L’organisation

L’Institut Energie Développement (IED) est une association créée en 1989 pour répondre aux besoins des représentants du personnel des entreprises de l’énergie lors de l’examen des dossiers avec les direction
IED réalise des expertises et des études technico-économiques ou socio professionnelles, seul ou en partenariat avec d’autres cabinets. Il intervient pour les comités d’entreprise du domaine de l’énergie (EDF, RTE, ENEDIS, GRDF, ENGIE, UNIPER,…), pour des collectivités nationales et territoriales, des organisations syndicales et des associations de consommateurs.
Elle s’appuie sur la compétence d’une cinquantaine d’experts bénévoles en retraite après avoir fait leur carrière dans le domaine de l’énergie.

Compétences dans le domaine de l’électricité

Outre les demandes spécifiques de ses commanditaires, l’association s’attache à suivre les évolutions de la consommation et du parc de production, mais aussi celles des réseaux de transport et de distribution ainsi que celles des dispositifs de marché, en France et en Europe occidentale. Elle réalise périodiquement une analyse de l’équilibre offre/demande à la demande du Comité Central d’Entreprise d’EDF-SA. La plus récente de ces études date de juillet 2017 et est disponible sur le site de l’association (http://public.institut-energie-developpement.com/Actu-35).
L’association est consultée par RTE dans le cadre du processus de concertation sur les études prévisionnelles.

Le positionnement de l’association

La valeur essentielle de l’association est la défense de l’intérêt public. En particulier, nous souhaitons pour notre pays :

  • le progrès social,
  • le respect de l’environnement,
  • la croissance économique.

Dans cet esprit, nous visons trois objectifs fondamentaux :

  • la diminution des émissions de gaz à effet de serre,
  • le maintien du coût de l’énergie à un niveau qui la rend accessible à tous,
  • le maintien de la sécurité d’approvisionnement et du niveau de qualité de l’énergie fournie

La contribution que nous souhaitons apporter au débat public est une meilleure information sur les conséquences économiques, techniques et sociales des choix qui seront faits.

Les contraintes écologiques, techniques et économiques que la PPE doit respecter

L’objectif premier de la loi de transition énergétique est la réduction des émissions de gaz à effet de serre : « Réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) de 40 % entre 1990 et 2030 et diviser par quatre les émissions de gaz à effet de serre entre 1990 et 2050 (facteur 4) ». Pour atteindre cet objectif, il faut impérativement diminuer la part des combustibles fossiles et augmenter celle de l’électricité décarbonée dans le mix énergétique.

Comment atteindre cet objectif compte-tenu des contraintes techniques et économiques ?

Trois types de production électrique décarbonée doivent être distingués :
– Le nucléaire
– Les énergies renouvelables pilotables : hydraulique, biomasse
– Les énergies renouvelables intermittentes (ENRi) : éolien et photovoltaïque

L’intermittence, la variabilité et le caractère non pilotable de ces dernières posent problème pour l’équilibre offre/demande et pour la stabilité du réseau.

Les lois de la physique imposent d’injecter sur le réseau à tout instant exactement la quantité d’énergie soutirée.

En hiver, les périodes froides et sans vent ne sont pas rares et peuvent durer plusieurs jours. Comment assurer alors la fourniture d’électricité ? Utiliser les excédents d’ENRi stockés pendant les périodes de surproduction? Il serait nécessaire de disposer de solutions de stockage de masse. Or les STEP (Station de Transfert d’Energie par Pompage) sont à ce jour la seule technologie industrielle et rentable mais pour stocker la consommation d’une seule journée de pointe, il faudrait multiplier par 20 le parc français de STEP ! Les autres solutions (batteries, hydrogène, power to gas,… n’ont pas encore atteint le niveau industriel et/ou ont des rendements très faibles.

Recourir à des importations est illusoire compte tenu de la simultanéité des épisodes sans vent en Europe de l’Ouest, de l’absence de soleil à la pointe d’hiver, le soir à 19 h et de la réduction des moyens de production pilotables chez nos voisins dans le futur.

La seule solution possible est de disposer d’un parc de production pilotable, n’émettant pas de GES et dimensionné pour les périodes où forte demande et faible production d’ENRi sont associées. La France dispose déjà de ce parc avec le nucléaire et l’hydraulique. Il n’est pas raisonnable de le remplacer par des moyens intermittents.

Pour le bon fonctionnement des moteurs connectés au réseau, la fréquence du courant doit être maintenue à 50 Hz. Dès que la fréquence varie, tous les alternateurs des centrales “traditionnelles” exercent instantanément de façon automatique des actions stabilisatrices via l’inertie de la masse tournante de leurs rotors qui agissent comme des volants d’inertie. La variabilité des ENRi et leur couplage au réseau via des dispositifs électroniques n’apportent aucune inertie mécanique ni autorégulation au réseau. Les études montrent que les technologies disponibles aujourd’hui permettent au plus une puissance délivrée par les EnRi ne dépassant pas 30 % à 50 % de la puissance instantanée appelée par la consommation (suivant le niveau de cette puissance) (Cette contrainte s’applique au niveau du réseau interconnecté qui inclut l’Allemagne).

Il faut donc développer des technologies qui permettent de compenser le manque d’inertie des installations éoliennes et photovoltaïques, mais cela demandera du temps et à quel coût ? En attendant, il sera nécessaire de « déverser » les excédents de production ENRi pour s’en débarrasser, ce que fait déjà l’Allemagne. Ces déversements diminuent évidemment la productivité des ENRi

Réduire la part de moyens de production pilotables en développant fortement les ENRi conduit donc à déstabiliser le réseau et à réduire la capacité de réaction automatique aux incidents avec augmentation du risque de black-out. En outre, l’impact sur les coûts de production de l’électricité serait élevé. Le développement envisagé des ENRi nécessite des investissements considérables pour un productible électrique modeste avec des impacts sur la balance commerciale française du fait des importations des composants principaux en éolien et en photovoltaïque. Aux coûts propres des ENRi s’ajoutent des coûts systèmes pour leur intégration dans le réseau électrique. Les coûts pour les consommateurs seraient aussi très importants du fait des subventions aux ENR qui leur sont répercutées via la Contribution au Service Public de l’Électricité destinée à compenser, entre autres, les surcoûts liés aux dispositifs de soutien aux ENR. Enfin, le subventionnement des ENR déséquilibre gravement les marchés de l’électricité, faisant chuter les prix de gros (alors que les prix pour les consommateurs finaux croissent du fait de la CSPE) et détruit la rentabilité des producteurs qui utilisent des moyens de production pilotables. Il en résulte qu’il faut maintenant subventionner les moyens pilotables de secours (marché de capacité).

Comme le montre clairement l’exemple allemand, fermer des centrales nucléaires pour les remplacer par des ENRi n’apporte aucun gain en matière d’émissions de GES. Il renchérit le coût de l’électricité, ce qui accroît les risques de précarité énergétique. Quel et donc l’intérêt d’une telle évolution ? Il serait bien plus pertinent de garder l’équilibre actuel entre les différentes filières de production d’électricité et d’agir sur la consommation en investissant pour réduire effectivement les émissions de GES, notamment dans le domaine de l’efficacité énergétique, par exemple en isolant les logements anciens, ce qui aurait également un impact sur la réduction de la précarité énergétique.

Quant au mix énergétique et à la part de l’énergie nucléaire, la meilleure façon de maintenir cette part au meilleur coût est de prolonger la durée de fonctionnement des centrales actuelles au-delà de 40 ans dans le respect des normes de sûreté et de les renouveler par des centrales de 3ème génération de type EPR en étalant cette transition afin de rendre supportable le niveau élevé d’investissement nécessaire. Enfin, il faudra penser à préparer le futur, c’est-à-dire la mise en oeuvre du cycle fermé du combustible et les réacteurs de 4ème génération, en poursuivant le projet de réacteur à neutrons rapides ASTRID.

Fournir les prévisions de l’évolution des prix de l’électricité pour les différents scénarios

La consommation est un élément fondamental pour la PPE puisqu’elle est à la base de tous les scénarios présentés dans le BP2017 (480 TWh pour Ampère et 442 TWh pour Volt en 2035, à comparer aux 475 TWh de 2017).

Cette stabilité, voire cette baisse, est étonnante compte-tenu des hypothèses de croissance économique, de démographie, de nouveaux usages (notamment la mobilité électrique) et de transferts d’usage. RTE la justifie essentiellement par l’amélioration de l’efficacité énergétique et la « sobriété », en restant toutefois très prudent et en signalant l’impact possible d’une modification de la RT 2012 (règlementation thermique qui pénalise arbitrairement l’électricité alors qu’en France, elle est décarbonée).

L’amélioration de l’efficacité énergétique suppose de nombreux investissements, aussi bien pour les consommateurs résidentiels que pour les entreprises : il faut investir dans du nouveau matériel plus performant, rénover les bâtiments, etc. Les rénovations complètes sont onéreuses, les appareils électroménagers les plus performants aussi. Au prix actuel, le temps de retour sur investissement de ces appareils est souvent comparable à leur durée de vie probable. Or la rentabilité de ces investissements augmente avec le coût de l’électricité. Plus le prix de l’électricité sera élevé, plus les consommateurs seront incités à investir dans l’efficacité, mais aussi plus nombreux seront les consommateurs en précarité énergétique. Or RTE n’indique pas les hypothèses de prix pour son 15, Rue Kléber – 93512 Montreuil cedex – Tél : 01.48.51.17.00 – Courriel : ied.montreuil@wanadoo.fr Site : http://public.institut-energie-developpement.com 4

calcul de l’efficacité énergétique. « L’étude d’un bouclage macroéconomique consommation/prix énergie » est programmée en 2020, échéance qui paraît trop lointaine par rapport à son importance.

L’autre facteur de baisse de consommation, la sobriété, laisse perplexe. Elle n’est pas définie dans le BP 2017. S’agit-il d’un comportement citoyen volontaire ou est-elle motivée par la hausse du prix de l’électricité? A combien est-elle évaluée? La seule information fournie par le RTE concerne le chauffage résidentiel et seulement pour une des 4 trajectoires (-4,5 TWh pour une consommation de 42,4 TWh en 2035).

Aujourd’hui, bien qu’il ait beaucoup augmenté depuis l’ouverture à la concurrence en 2007, le prix de l’électricité en France est encore un des plus bas d’Europe, que ce soit pour les consommateurs résidentiels ou pour les entreprises. Cette caractéristique et la qualité de la fourniture attirent d’ailleurs en France des entreprises fortement consommatrices comme les data centers. De nombreux facteurs pourraient le faire croître dont les subventions aux ENR (CSPE), celles aux énergies pilotables (mécanisme de garantie de capacité), le développement du réseau, les moyens de stockage, la contribution à la recherche, la construction de nouveaux moyens de production pilotables, etc. Il apparait donc indispensable de préciser l’évolution du prix de l’électricité ainsi que son influence sur la précarité énergétique avant de décider de la Programmation Pluriannuelle de l’Energie.

En conclusion, la programmation pluriannuelle en préparation devrait :
prendre comme objectif prioritaire la diminution des émissions de gaz à effet de serre
en assurant la sécurité d’approvisionnement du pays
et en minimisant les coûts pour la collectivité

Pour respecter ces trois objectifs, une politique en rupture avec la politique préconisée par la Commission Européenne et celle menée par les gouvernements français précédents s’impose. En particulier, il faut :
– arrêter de subventionner le développement d’énergies intermittentes qui, en France, n’a aucun impact positif sur les émissions de GES, voire risque de les augmenter
– utiliser les ressources ainsi dégagées pour favoriser la pénétration des énergies décarbonées comme l’électricité dans les transports et le bâtiment
– supprimer la limitation arbitraire de la part du nucléaire
– ne fermer aucun moyen de production pilotable sans le compenser par un autre moyen pilotable
– modifier la réglementation thermique pour diminuer les énergies fossiles dans le bâtiment
– modifier la loi pour que les concessions hydrauliques restent un outil de maintien de l’équilibre au service du système électrique français
– étudier les possibilités de décarboner les moyens de production thermique à flamme pilotables (biomasse, capture CO2…)