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Cette PPE fait suite à la loi sur la transition énergétique et la croissance verte (LTECV), que la CGT a contestée sur des orientations et lacunes qui se poursuivent dans le présent projet.

Pour la CGT, Il est essentiel de revenir sur le bilan de la dérèglementation du secteur de l’énergie à l’échelle nationale et européenne, qui est loin d’avoir apporté aux citoyens les bienfaits annoncés de la concurrence.

1 – SUR LE VOLET OFFRE : EMISSIONS DE CO2, MIX ENERGETIQUE ET SECURITE D’APPROVISIONNEMENT

Avec une production d’électricité 72% nucléaire, 12% hydraulique, 7% gaz, 4% éolienne, 1,6% photovoltaïque, 1,6% biomasse, 1,4% charbon, la France émet en moyenne 58g CO2 par kWh (parmi les plus faibles d’Europe) contre 560g/kWh pour l’Allemagne.

EnR

eolienne

La CGT considère que la priorité doit tendre à la réduction du CO2 au moindre coût pour la collectivité, les économies d’énergies, la précarité énergétique et la mobilité propre. Le développement des EnR doit s’effectuer à un rythme adapté à la maturité technico-économique des différentes filières, afin de minimiser le coût des aides.

En France, les nouvelles ENR électriques contribueront peu aux autres objectifs de la LTECV de réduction du CO2 et des énergies fossiles, car elles ne viendront que déplacer de l’électricité déjà fortement décarbonée. Il faut donc privilégier les EnR non électriques, venant en substitution de fossiles : en priorité la biomasse (sous forme de chaleur) et le biométhane injecté dans le réseau (où il contribuera également au bio GNV, donc à l’objectif sur les carburants). Toutefois, les objectifs de développement du biométhane nous semblent irréalistes au regard de la tendance actuelle, et des obstacles concrets d’ores et déjà identifiés.

La puissance photovoltaïque raccordée en métropole dépasse 7 GW, et la PPE vise jusqu’à 20,2 GW en 2023. L’attribution des projets lauréats des premiers appels d’offres lancés par l’Etat ont montré une baisse de prix importante : 55,5 €/MWh en moyenne pour les installations au sol de grande puissance et 88,4
€/MWh pour les grandes installations sur bâtiments. En dépit de ces avancées, la CGT constate qu’il n’y a toujours pas de filière industrielle sur la fabrication des
modules en Europe, et l’étude de l’IRENA ( Renewable Energy and Jobs 2017 ) souligne un recul des emplois en Europe, au bénéfice des pays asiatiques. Pour la
CGT, il est nécessaire de soutenir la fabrication des panneaux solaires et des onduleurs pour répondre à l’ambition de la PPE, qui ne se limite pas à l’atteinte
d’un certain parc installé, mais qui comprend également un objectif de création d’emplois de 10 000 à 12 500 d’ici 2028 dont nous doutons qu’il sera
atteint.

Augmenter de 19% à 40% la part d’électricité renouvelable d’ici 2030 (objectif de la LTECV) voire à 50% (objectif de la commission européenne dans le 4ème paquet) reposera en majorité sur de nouvelles EnR intermittentes. Ceci pourra entrainer des répercussions sur la qualité de la fourniture électrique et la sécurité d’approvisionnement, car les EnR intermittentes ne peuvent se développer sans le maintien des énergies pilotables.

CHARBON

Pourquoi alors fermer les centrales au charbon, qui ne sont utilisées que très peu d’heures par an, être présentent moins de 1% des émissions nationales de CO2 ? Leur arrêt prématuré ne constituerait pas une contribution majeure au bilan carbone de la France et aggraverait le risque de blackout, en raison de la thermo-sensibilité de la demande, tant que le stockage d’énergie n’est pas à la hauteur des besoins. Cet hiver, pour passer une « mini-pointe » de consommation (92GW), il a fallu redémarrer les tranches fioul.

La CGT propose de maintenir les centrales au charbon en :

  • Accentuant la R&D pour un charbon plus propre, et pour que la France soit un fer de lance sur le stockage et la séquestration de CO2.
  • Obligeant les exploitants à associer la biomasse au charbon, et à des investissements pour limiter les gaz à effet de serre. Ceci répondrait également à la contrainte proposée par la Commission Européenne d’interdire l’accès au marché de capacité de centrales émettant plus de 550g CO2/kWh.

HYDRAULIQUE

hydraulique

L’hydraulique, 1ère EnR en France, allie production d’électricité, et gestion de 80 % des ressources en eau de surface.

La multiplication des concessionnaires, avec l’injonction européenne de mise en concurrence, serait néfaste à la gestion des usages de l’eau. Les ouvrages hydrauliques relèvent de missions de service public renforcées, et ne sont pas des outils de marché.

Pour la CGT, cela permettrait de gérer de façon plus juste le multi-usage de l’eau actuel et futur, d’aider à maintenir des prix faibles de cette EnR, et d’assurer le
développement des EnR intermittentes, car l’hydroélectricité est l’énergie pilotable à la plus grande réactivité. En 2017 elle a représenté 10% de l’électricité produite en France et 32 % de l’énergie de pointe.

L’hydroélectricité doit être gérée par un service public national, qui pourra investir pour développer le potentiel estimé à 6200 MW en France métropolitaine et 35 MW à la Réunion. Des STEP avaient été étudiées dans les années 70-80, elles sont toujours d’actualité et nécessitent de nouvelles études de faisabilité. La CGT revendique que l’État mandate une expertise sur les nouvelles capacités de production hydraulique de chute, que nous estimons à 4000 MW. Si ces STEP ne trouvent pas de rentabilité dans un système de marché incapable de révéler la vraie valeur du stockage, l’Etat pourra, comme pour les EnR, procéder par appels d’offres.

NUCLEAIRE

Un autre objectif de la LTECV et de la PPE est de réduire à 50% la part du nucléaire dans le mix énergétique, alors que les EnR ne sont pas prêtes à prendre le relais dans ces proportions. Le parc nucléaire est aujourd’hui plafonné à 63,3 GW. La filière peut être fragilisée s’il n’y a pas de planification d’ensemble. Elle participe à réduire la dépendance énergétique de la France, qui s’élève à plus de 60 milliards € annuels.

La fermeture de la centrale de Fessenheim, que la CGT conteste, n’aura pas d’impact sur l’activité de l’usine de la Hague et sur le MOX (combustible composé
d’uranium appauvri et de plutonium issu des combustibles retraités à la Hague). En revanche, l’arrêt possible de 7 à 9 réacteurs d’ici 2035 (notamment ceux
de 900MW), menace l’avenir du MOX, et la gestion des déchets.

Pour la CGT, il est nécessaire d’avoir un recouvrement de l’arrêt des installations avec la mise en service de nouveaux EPR, afin de donner de la visibilité aux
salariés du secteur et de planifier les investissements. Le renouvellement du parc passera par la maîtrise du démantèlement des anciennes installations, le
développement de nouveaux EPR et la mise en service de prototype de 4ème génération, afin d’optimiser durablement l’approvisionnement en uranium et de
minimiser la production de déchets.

LES GAZ

Les cycles combinés gaz sont incontournables à l’équilibre offre-demande d’électricité en remplacement du fioul et du charbon mais aussi en soutien à la croissance des EnR intermittentes. Or ils sont délestables et échappent à l’obligation de stockage souterrain de gaz naturel. La CGT le dénonce comme une menace pour la sécurité d’approvisionnement électrique.

L’accès aux stockages souterrains est maintenant régulé et la PPE doit définir le nombre de sites nécessaires à la sécurité d’approvisionnement. Pour la CGT, il faut assurer la couverture du froid au risque 2% et une rupture d’approvisionnement suite à une crise géopolitique. Cela nécessite un niveau de stockage souterrain d’environ 137 TWh, donc l’arrêt des mises sous cocon de stockages français.

La R&D sur le biogaz doit s’intensifier, car son développement est la condition d’un usage décarboné du gaz. Le biogaz peut désormais être injecté dans les stockages souterrains, tout comme le gaz naturel.

Les terminaux méthaniers sont eux aussi des actifs importants pour la sécurité d’approvisionnement.

STOCKAGE D’ÉLECTRICITÉ

Pour la CGT, les filières éolienne et solaire doivent être couplées avec des moyens de stockage car leur intermittence fragilise la sécurité d’approvisionnement
électrique et conduit à désoptimiser le réseau. Les coûts correspondants doivent être chiffrés et communiqués en toute transparence.

Le développement du stockage nécessite un fort engagement de l’Etat dans la R&D par exemple pour le stockage statique et l’utilisation d’électricité renouvelable intermittente pour la production d’hydrogène ou la méthanation. Pour autant, nous émettons de vives réserves sur la disponibilité commerciale de ces moyens de stockage à l’horizon temporel de la PPE.

DÉCHETS ET ÉCONOMIE CIRCULAIRE

Dans le cadre du développement de l’économie circulaire pour réduire à 50% l’enfouissement d’ici 2025, l’ADEME estime que 12 Mt de déchets issus de Déchets Industriels Banals permettraient de produire 2,5 Mt de Combustible Solide de Récupération pour développer les réseaux de chaleur à la biomasse.

Pour la CGT, la montée en puissance des CSR dépend de leur procédé de fabrication, notamment le tri mécano-biologique, l’objectif à 2023 de multiplier par 2,8 le rythme des projets sur les réseaux de chaleur est par contre inatteignable.

2 – SUR LA DEMANDE ET LA FOURNITURE

La CGT déplore :

  •  Les hypothèses de diminution de la consommation d’énergie, qui paraissent irréalistes compte tenu de notre démographie, du retard dans l’isolation massive de l’habitat, ainsi que de la nécessaire réindustrialisation.
  • Le manque de volontarisme pour mettre fin à la précarité énergétique, qui touche 11 millions de personnes. Le chèque énergie ne fait que compenser le financement de plus en plus coûteux des EnR supporté par les ménages et ne constitue pas un véritable droit à l’énergie.
  • L’absence de mesures concrètes pour diminuer l’impact carbone des consommations importées.
  • Le soutien aux nouvelles pratiques que sont l’effacement (qui signifie également la restriction pour les consommateurs les plus modestes, et qui est confondu à tort avec de l’efficacité énergétique) et l’autoconsommation (à laquelle les plus modestes ne peuvent pas recourir, mais doivent financer).
  • L’accent mis sur la décentralisation, qui risque de détourner les principes d’égalité de traitement et de solidarité territoriale garantis par la
    péréquation nationale et par le Tarif Réglementé de Vente. Le risque est fort que cette décentralisation favorise uniquement les territoires les mieux dotés en ressources.

SUR L’EMPLOI

La PPE évalue la création d’emplois supplémentaires dans les EnR à l’horizon 2028 entre 27 000 et 39 000.

Pour la CGT, ces chiffres sont très optimistes et, en l’absence de développement de filière industrielle, il ne s’agit pas d’emplois pérennes. Quant à l’emploi lié à la rénovation énergétique des bâtiments, il connaît un travail détaché croissant, particulièrement insatisfaisant sur le plan des garanties sociales.

Nous demandons un bilan quantitatif mais aussi qualitatif (niveau de qualification et garanties sociales) de l’emploi créé et de l’emploi supprimé (exemples parmi tant d’autres : la 298 emplois directs supprimés à la centrale fioul de Porcheville, et 900 emplois directs à Fessenheim).

CONCLUSION

La transition énergétique ne sera un succès qu’avec un service public répondant aux besoins de la nation, avec un mix énergétique qui ne surévalue par la capacité de développement des EnR et qui intègre de véritables filières industrielles, pourvoyeuses d’emplois durables et des garanties collectives de haut niveau.

Les différentes filières EnR nécessitent une maitrise publique pour assurer la cohérence de leur développement, et un niveau de soutien raisonnable.

Cette PPE intervient dans un contexte de déréglementation accélérée des secteurs de l’énergie et des transports, qui réduit considérablement les leviers d’actions des pouvoirs publics, car les propositions législatives européennes en préparation viendront encore réduire la marge de manoeuvre des États, qui devront abandonner une partie de leurs prérogatives à l’échelon supranational. Or pour la CGT, ce n’est ni à la maille régionale ni à la maille supranationale que doit s’exercer le service public de l’énergie, mais bien à la maille nationale.