Le syndicalisme fait partie du patrimoine vivant de l’humanité et de la démocratie. Fait social devenu universel, il a d’abord émergé en Europe avec la révolution industrielle, et y est resté depuis profondément enraciné.
L’histoire de la CGT s’inscrit dans cet ensemble. Née de la volonté des salariés de s’organiser collectivement et durablement pour défendre leurs intérêts face à l’oppression et à l’exploitation, pour conquérir des droits et les faire valoir, pour imaginer un monde plus juste et proposer des voies pour y parvenir, sont le coeur de son action syndicale pour un développement humain durable.
Bâtie selon deux dimensions professionnelles et géographiques, la CGT s’est forgée et constituée au fil de l’histoire autour d’une conception de solidarité entre les salariés qui combine l’ancrage à l’entreprise et à son environnement territorial.

Analyses – propositions de la CGT

Début juillet le gouvernement publiera ses projets de PPE et SNBC.

Pour la CGT, quatre impératifs sont en cause :

  • Satisfaire les besoins énergétiques à des conditions optimales, adaptées à la maîtrise de la demande,
  • Réduire les gaz à effet de serre (GES) et les polluants atmosphériques,
  • Garantir la sécurité énergétique, un réel service public de l’énergie,
  • Respecter le droit à l’énergie en mettant fin à la précarité énergétique, qui touche désormais 12 millions de personnes dans notre pays.

L’intérêt général et le respect des biens communs doivent s’imposer au détriment d’intérêts privés puissants en ce domaine. Souveraineté populaire sur l’énergie, moyens de la démocratie et des services publics, sont les meilleures garanties pour que court, moyen et long termes marchent ensemble.

LES ÉMISSIONS DE GES AUGMENTENT. POURQUOI ?

Pour la première fois depuis 1990, les émissions françaises de GES augmentent en 2017. Quatre premiers constats invitent à réfléchir…

Les émissions de GES du secteur des transports (31 % du total) sont en hausse depuis 3 ans, faute de reports modaux alternatifs à la route des transports de personnes et de marchandises.

Les énergies renouvelables ne répondent pas aux impératifs ci-dessus, ni en termes de filières industrielles complètes, ni d’emplois. Elles relèvent de « niches » profitables à des acteurs privés aidés par des subventions et garanties de prix de rachat, payées surtout par les ménages sur les factures d’électricité et de gaz. Le niveau des aides publiques à leur accorder devrait faire débat selon les énergies auxquelles elles se substituent carbonées ou non.

Les émissions de GES des bâtiments (27 % du total) ne baisseront pas de moitié d’ici 2028 (SNBC) : objectif non atteint de rénover 500.000 logements/an faute d’aides suffisantes pour les ménages modestes dans des logements mal isolés, flou des obligations visant la rénovation des bâtiments tertiaires privés et baisse de crédits pour celle des bâtiments publics. La précarité énergétique a doublé en 10 ans.

En 2017, les émissions industrielles du système européen ETS (43 % du total des émissions de GES) ont augmenté en raison d’une hausse de celles de la production d’acier ou encore de lignite pour l’électricité notamment en Allemagne.

ÉTABLIR LE BILAN DE LA LIBÉRALISATION

Les dogmes de la concurrence et de la déréglementation des secteurs de l’énergie et des transports sapent les leviers d’actions des pouvoirs publics. Le bilan de la libéralisation de l’énergie doit être établi. Les services publics sont affaiblis et mis en cause. Or ils sont déterminants dans la transition énergétique solidaire pour le développement humain durable : services publics de l’énergie, des transports, besoins de planification urbaine et d’aménagement du territoire, consistance des politiques industrielles, moyens de la politique du logement et de sa rénovation.

TRANSITION JUSTE…PAS EN FRANCE ?

Il est temps de rendre concrète la notion de « transition juste », inscrite à l’Accord de Paris. Demeurent non suivis d’effets les objectifs inscrits dans la loi de transition énergétique de 2015 : « garanties sociales de haut niveau pour tous les salariés concernés » par les transitions, adoption d’un « plan de programmation de l’emploi et des compétences (PPEC) ». Or le Plan Climat de juillet 2017 annonçait « Nous lancerons avec les organisations professionnelles et syndicales une réflexion sur l’évolution des métiers dans le secteur de l’énergie… Le PPEC sera publié en 2018 ».

L’expérience des contrats de transition écologique entre l’Etat et 8 intercommunalités n’est pas à la hauteur des besoins : ainsi de la fermeture des 4 dernières centrales thermiques à charbon (pour moins de 1 % du total des émissions de GES, l’intérêt écologique de ces fermetures est douteux) ou de l’arrêt de la centrale nucléaire de Fessenheim, malgré les investissements réalisés et les audits de l’ASN (Autorité de Sûreté Nucléaire).

Sont ignorées les préconisations pour la réussite de la transition solidaire dans les territoires (voir notamment avis et rapport du CESE du 28 novembre 2017) et celles pour une politique industrielle durable (voir notamment avis et rapport du CESE, 27 mars 2018).

SUIVI ET COHÉRENCE NÉCESSAIRES

Ne sont pas traités la cohérence et le suivi entre PPE-SNBC au niveau national et en régions, les nouveaux schémas régionaux de développement durable (SRADDET) volets SRCAE (schémas régionaux climat air énergie) et les intercommunalités avec les PCAET (plans climat air énergie territoriaux).

INVESTIR POUR LA NEUTRALITÉ CARBONE

La PPE et la SNBC devraient avoir en ligne de mire la trajectoire de neutralité carbone des énergies et de leurs utilisations d’ici 2050. Il faut prioriser les investissements de long terme, le développement scientifique et technique, au détriment des critères financiers de court terme. Stratégique en ce domaine, la recherche-développement est à la traîne avec un sous investissement des entreprises et la « course aux crédits » dans la recherche publique. Il faut respecter l’objectif de 3 % du PIB pour la Recherche, fixé il y a plus de 10 ans…

EMPREINTE CARBONE ET ÉMISSIONS DE GES

La divergence se creuse entre les émissions nationales de GES et l’empreinte carbone de la France (émissions liées à la consommation incluant les importations), avec un écart de plus de vingt points. Cela résulte de la désindustrialisation, l’industrie ne représentant que 17 % du total de l’énergie.

La relocalisation des productions, les investissements industriels utiles à l’économie circulaire, sont des leviers pour réduire l’empreinte carbone de la France. Les ressources minérales ou végétales, produites ou importées, sont en cause. Les gains d’efficacité n’étant pas continus, sans investissements, une production indispensable et plus soutenue se traduirait par une augmentation des émissions.

Le filtrage aux frontières européennes par des mécanismes tels les taxes carbone vis-à-vis des importations de produits n’intégrant aucune contrainte de l’Accord de Paris, doit être sérieusement discuté. Cela vaut d’autant plus si la composante carbone de la TICPE devait passer de 44,60 €tCO2 à 86 en 2022, 225 € en 2030, 400 € en 2040, à 600 € en 2050.

PRÉVENIR LES RISQUES DE DÉFAILLANCES

La continuité d’approvisionnement électrique et gazier exigent des garanties face aux risques de défaillance. Les obligations de stockage de gaz ne doivent pas reculer. L’équilibre du réseau électrique doit gérer les pointes de consommation et l’intermittence des ENR non pilotables. La PPE devra choisir entre obligations de continuité du service public, investissements nécessaires associés, celles imposées aux entreprises, et le recours aux solutions de marchés.

4 DÉSACCORDS FONDÉS

Dans le débat sur la transition énergétique, la CGT conteste quatre points :
La diminution en 2050 de 50 % de la consommation d’énergie carbonée ou non… Elle ignore la démographie, les besoins de ré-industrialisation pour réduire l’empreinte carbone, isoler massivement les bâtiments. Augmenter l’efficacité énergétique et maîtriser la demande : oui. En visant désormais la neutralité carbone et non le rationnement par l’argent des consommateurs quelque soit l’énergie.

La réduction à 50 % de la part du nucléaire dans le mix électrique en 2025. Arbitraire et sans rapport avec la réduction des émissions, une telle réduction à cette échéance conduirait à la fois à augmenter les émissions de GES et à renchérir les prix de l’électricité à des niveaux inacceptables. La France émet en moyenne ces dernières années huit fois moins de CO2 par kWh que l’Allemagne, pour une électricité moitié moins chère.

La privatisation des barrages hydrauliques, producteurs d’une électricité à faible coût sans gaz à effet de serre (12 % de notre électricité), si nécessaire à l’équilibre du réseau électrique, la gestion d’intérêt public des usages de l’eau et des milieux aquatiques. Des pays européens ont décrété l’hydroélectricité d’intérêt général sans opposition de la Commission européenne. Pourquoi offrir à la rente de capitaux privés des barrages rentables, comme pour les autoroutes, en sacrifiant leur apport à l’équilibre électrique, leur potentiel pour le stockage d’énergie par pompage et la gestion d’intérêt général de l’eau « patrimoine commun de la nation » ?

L’absence d’investissements et de volonté en faveur des modes alternatifs à la route (fer, fluvial, maritime) et d’une politique multimodale intégrant tous les modes. Au lieu de combattre le dumping social, environnemental et économique du transport routier de marchandises dont les coûts externes (pollution, dégradation des infrastructures, congestion etc.) sont supportés par les impôts des citoyens, les objectifs législatifs en vigueur de report modal alternatif à la route (de 11 à 25 %) sont bafoués et cela pour les 10 ans à venir, selon les scénarios dominants.

PROPOSITIONS

ENR : POUR DES CHOIX MAITRISÉS

La CGT propose un développement maîtrisé des ENR. Avec des filières complètes au vu de leur bilan carbone, impacts sur la biodiversité, de leur maturité technique et économique, des analyses de cycle de vie intégrant matériaux et terres rares. Il faut ainsi :

  • Donner priorité aux ENR non électriques se substituant aux énergies fossiles: biomasse sous forme de chaleur, bio méthane injecté dans le réseau, bio GNV, Thermique solaire, extension de la géothermie et des réseaux de chaleur en doublant le fonds chaleur.
  • Intégrer l’apport des ENR électriques avec des filières complètes en France et en Europe, des emplois qualifiés avec des garanties sociales de haut niveau, en complément de l’électronucléaire et de l’hydroélectricité. Développer les coopérations sur le stockage de l’électricité et les investissements dans les réseaux.
  • Prévenir les risques de défaillances, liés aux pointes de consommation et/ou à l’intermittence des ENR, en préservant les capacités des centrales au charbon ou gaz dont les émissions de GES sont marginales en France. Les enjeux des recherches sur la captation du CO2 et sur des reconversions avec des combustibles de récupération, invitent également à refuser la fermeture de ces capacités en sacrifiant le savoir-faire industriel en ce domaine, essentiel à l’échelle mondiale.

CONCRÉTISER LA TRANSITION SOLIDAIRE

La CGT propose de rendre concrète la transition juste et solidaire :

  • Augmenter le chèque énergie des 12 millions de précaires énergétiques. Réduire la précarité en rénovant effectivement 500.000 logements/an : priorité aux plus mal isolés habités par des ménages modestes (150 000/an aidés par l’ANAH au lieu de 75 000 ; 200 000/an dans le parc social au lieu de 100 000). TVA à 5,5 % sur les consommations d’électricité et gaz.
  • Combattre la précarité et le dumping social dans le bâtiment et la rénovation énergétique : améliorer les conditions de travail, la qualité des travaux et la réalité des performances annoncées.
  • Arrêter les suppressions d’emplois dans les entreprises de l’énergie (ENEDIS, EDF, Total, Engie…), des équipements (GE ex Alstom…). Développer des filières industrielles et des coopérations par des investissements, mettre fin au gâchis des rachats boursiers et des acquisitions financières. Programmation de l’emploi et des compétences liés aux transitions énergétiques par une négociation sans délai entre l’Etat, les organisations syndicales et le patronat, avec les garanties sociales de haut niveau et un statut des salariés de l’énergie.
  • Taux réduit de TVA à 5,5 % sur les transports collectifs, augmentation du versement transports des entreprises aux autorités publiques de mobilités, indemnités kilométriques vélos couplées aux transports en commun des salariés, plans de mobilités des entreprises dès 50 salariés, lancement d’un 4ème appel à projets transports urbains. Création de redevances sur les poids lourds et camionnettes de transports de marchandises à hauteur de tous leurs coûts externes et arrêt des remboursements de TICPE (taxes sur les carburants) aux entreprises de transports routiers. Affectation de la TICPE aux infrastructures de transports dont 6 Md€/an au réseau ferré national.

PLANIFIER L’AVENIR DE L’ÉLECTRONUCLÉAIRE

La CGT propose de planifier les productions des énergies, comme l’évolution du parc électronucléaire :

  • Avec des critères de sûreté élevée contrôlés par l’ASN, afin de répondre aux enjeux de réduction des émissions de GES et de développement des usages de l’électricité selon les scénarios prospectifs (par exemple l’électro mobilité, le lien avec l’hydrogène, les pompes à chaleur, les besoins d’énergie du recyclage…).
  • Prolonger la durée de vie de réacteurs existants par des investissements répondant aux exigences de l’ASN. Le respect des garanties de sécurité pour tous les salariés intervenant sur les sites, notamment ceux des entreprises sous-traitantes.
  • Tirer tous les enseignements des délais et problèmes rencontrés dans la filière des EPR, pour la programmation du renouvellement des installations REP existantes. Préparer la 4ème génération de réacteur pour optimiser le rendement de l’uranium et réduire les déchets nucléaires.

Cahier d’acteur N° 61 de la confédération CGT (version pdf)