Un secteur public pour répondre aux besoins

La Fédération Nationale des Industries Chimiques – CGT est composée de 12 branches d’activités :
pétrole, caoutchouc, plasturgie, chimie, instruments à écrire, industrie pharmaceutique, officines de pharmacie, répartition pharmaceutique, négoce et prestations de services médico-techniques, laboratoires d’analyses médicales, plasturgie, navigation de plaisance.

PROPOSITIONS DE LA FNIC-CGT

Selon le CGDD (Commissariat Général au Développement Durable), la consommation française d’énergie est assurée à 85% par des énergies fossiles dont 19% par l’uranium et 44% par le pétrole. Les installations productrices d’énergie sont lourdes d’investissements, toute mutation demande, si l’on veut assurer les approvisionnements nécessaires aux besoins, temps et argent.

L’industrie est, en France comme ailleurs, structurante de la société et de notre mode de vie. De l’industrie dépendent : un secteur tertiaire développé, les services publics, de l’hôpital à l’université, et les infrastructures territoriales adaptées aux besoins de la population. Cette indispensable industrie a elle-même besoin d’énergie, dont les industries chimiques constituent le premier secteur consommateur de l’industrie française.
L’enjeu du climat ne doit pas être l’arbre qui cache la forêt des enjeux de l’accès à l’énergie, qui se décomposent comme suit :

LES ENJEUX DE L’ACCÈS A L’ÉNERGIE

  1. Réponse aux besoins directs des ménages et de l’industrie : se chauffer, s’éclairer, se déplacer, cuisiner, travailler, accéder aux soins, à l’éducation, produire des biens industriels, etc.
  2. Prix : quel prix d’accès à l’énergie pour le consommateur final, et quel lien avec le coût de production ?
  3. Droit humain à un environnement sain, qui ne doit pas être réduit à la question du CO2 dans l’atmosphère. Par exemple, dans quelles conditions sont extraits l’uranium, le pétrole, le gaz que l’on consomme en France ? Quel est l’impact environnemental des énergies solaire et éolienne : silicium, lithium, terres rares, bilan CO2 complet, etc. Exemple : la construction de chaque éolienne terrestre exige 150 t d’acier et 400 t de béton. Et son démantèlement ?
  4. Maîtrise publique car l’énergie ne doit pas être un bien marchand, mais un droit fondamental.
  5. Production, à savoir le « mix énergétique », qui doit être la combinaison optimale des différentes
    sources d’énergie, en fonction du lieu où est produite cette énergie.
  6. Développement industriel, non pour une industrie capitaliste mue par la soif de rentabilité, mais pour une industrie respectueuse du social et de l’environnemental, condition de la réponse aux besoins humains.
  7. Structuration des territoires : c’est par la planification énergétique qu’on peut assurer une implantation durable des communautés humaines.
  8. Progrès humain : la question énergétique entraîne certains à remettre en cause la possibilité même du progrès, à préconiser le repli, la décroissance, avec des mots soigneusement choisis : limitation des besoins, sobriété, consommation responsable, etc. C’est le terreau du recul social et de l’accroissement des inégalités

AGROCARBURANTS

Qu’ils soient produits en France ou en Malaisie, les agrocarburants sont une mauvaise solution pour développer des énergies alternatives au pétrole. Produits à l’échelle industrielle, ils concurrencent la production alimentaire, amènent épuisement des ressources en eau, déforestation et leur bilan carbone est au mieux équivalent à celui du pétrole. Ces produits n’ont rien de « bio ».

Si la concurrence alimentaire est écartée avec les agrocarburants de 2ème génération (plantes dédiées, bois, résidus forestiers et agricoles), d’autres problèmes persistent, à commencer par l’occupation des sols, les terres fertiles étant, comme le pétrole, une ressource limitée. D’autre part, les résidus forestiers et agricoles servent déjà aujourd’hui à nourrir le bétail, à fertiliser les sols appauvris par l’agriculture intensive, et abriter la biodiversité. Ils sont aussi utilisés pour produire de l’électricité et de la chaleur via les filières bois-énergie.

La notion de résidus forestiers est elle-même sujette à caution, il suffit d’une modification de classement administratif pour transformer d’un coup de baguette magique une parcelle de forêt en zone de résidus forestiers à déboiser.

Enfin, conséquence de la Politique Agricole Commune et de la mise en jachère des terres depuis 1992, les agrocarburants sont fortement tributaires des subventions publiques : défiscalisation à la vente, subventions à la production et à l’investissement, obligation d’incorporation dans les carburants. Le surcoût supporté par le consommateur-contribuable se chiffre en dizaines de milliards, auxquelles s’ajoute l’impact à la pompe également payé par le consommateur.

EXTRACTION DE PETROLE EN FRANCE

Si la France n’extrait que peu de pétrole au regard de sa consommation, la production sur notre territoire offre différents avantages :

  1. Elément d’indépendance énergétique, en particulier si l’on intègre les perspectives en Outre-mer (Guyane, etc.).
  2. Maîtrise des conditions sociales et environnementales de production (ce qui n’est pas le cas du pétrole importé) d’un produit qui restera fortement consommé en France d’ici à 2040.
  3. Participation au mix d’alimentation des raffineries, permettant à celles-ci d’améliorer les charges de pétrole importé par ajout de brut d’excellente qualité (bassin parisien).

La FNIC-CGT est favorable à la production de pétrole dit « conventionnel » en France, dans le cadre bien entendu d’une entreprise nationalisée. Il est illusoire de penser qu’un quelconque « exemple français » en la matière stoppera ou ralentira l’extraction pétrolière à l’étranger, d’autant que ce secteur est largement aux mains des multinationales. Nous sommes opposés à la production de gaz et pétrole de schistes selon des méthodes telle la fracturation hydraulique non respectueuses du droit humain à un environnement sain. En revanche, nous sommes favorables à évaluer la ressource des hydrocarbures de schistes en levant l’interdiction de l’exploration.

RAFFINAGE DE PÉTROLE

Le secteur pétrolier en France représente 200 000 emplois directs et indirects et 90 % de l’énergie utilisée dans les transports. Face aux besoins réels, notre pays est très fortement sous-capacitaire en matière de raffinage de pétrole : en 2016, la production nette des raffineries françaises était de 53,7 Mt (= millions de tonnes) de produits raffinés, pour une consommation du marché intérieur de 73,9 Mt. Ce déficit de 20 Mt se décompose en 40 Mt d’importations (surtout du gazole) pour 20 Mt d’exportations (surtout de l’essence).
Une fiscalité nettement plus lourde sur l’essence que sur le gazole, couplée au refus des patrons pétroliers opérant en France d’investir pour adapter l’outil, ont conduit à cette situation, qui a aussi servi à justifier la fermeture de 5 raffineries en 5 ans, avec ses milliers d’emplois directs ou non. L’importation de produits raffinés est un échec environnemental (davantage de bateaux sur les mers qu’en cas d’importation de brut, production en dehors des normes européennes), social (normes sociales sur les sites de raffinage à l’étranger) et économique (sécurité d’approvisionnement). Outre le redémarrage planifié des capacités de raffinage nécessaires au rééquilibrage de la production de produits raffinés au regard de la consommation française, la FNIC-CGT revendique la mise sous contrôle public, la nationalisation, de ce secteur stratégique qui ne doit pas être laissé aux mains du privé.

La France fait partie des quelques pays au monde, dont les pays européens, à conduire une politique de fortes taxes sur les carburants à la pompe, destinées à générer des rentrées fiscales et inciter aux économies d’énergie dans les transports sur la base d’une sélection par le prix d’accès aux carburants. Sur ce dernier point, force est de constater l’échec de cette politique qui pèse néanmoins sur le budget des ménages. Les taxes sur les carburants sont parmi les impôts les plus injustes, qui impactent surtout les millions de personnes obligées de prendre leur voiture pour aller travailler ou faire leurs courses. Ces taxes n’ont cessé d’augmenter ces dernières années, toute remontée du prix du brut aura un impact direct sur le pouvoir d’achat.

La FNIC-CGT exige la fin de la TICPE (Taxe Intérieure de Consommation sur les Produits Energétiques). C’est par la fiscalité directe que le budget de l’Etat doit majoritairement être assuré, notamment par la hausse de l’impôt sur les sociétés et le relèvement de la tranche marginale de l’impôt sur le revenu.

UTILISATION DU PÉTROLE

Ce produit naturel est issu de millions d’années de transformation lente, il contient des milliers de molécules indispensables bases de l’industrie chimique et pharmaceutique, des industries du caoutchouc et des matières plastiques. Brûler du pétrole dans les moteurs est un gâchis monumental, il doit être utilisé en tant que matière première. Cela signifie le développement de l’industrie pétrochimique et chimique en France, là aussi très largement sous-capacitaire au vu des besoins. Ces secteurs aujourd’hui entièrement aux mains du privé, ne sont développés qu’au regard de l’unique critère de rentabilité, par exemple le médicament. Il est logique que ces grands secteurs structurants soient mis sous contrôle public afin de planifier leur développement en fonction des besoins de la population et non en vue d’augmenter le cours des actions en bourse.

TRANSPORTS

En France comme ailleurs, les transports (maritime et fluvial, aérien, ferroviaire, routier) sont très largement tributaires du pétrole. La nécessaire maîtrise des gaz à effet de serre a tendance à faire oublier que les questions d’environnement ne se limitent pas au plan Climat, mais doivent englober l’empreinte humaine globale sur les ressources et l’environnement.
Les mutations dans le domaine du transport doivent considérer plusieurs axes :

  • Sur le long terme, l’aménagement du territoire doit réguler les besoins en transports mêlant en compte lieux de vie, de travail, de loisirs, et favoriser à la fois les transports collectifs et publics et les modes alternatifs au « tout-routier ». La libéralisation du fret ferroviaire est de ce point de vue un crime contre l’environnement et contre l’industrie.
  • Les infrastructures (transports collectifs) comme les parcs existants (voitures, camions) sont un élément d’inertie qui continuera de peser sur les évolutions, de manière peu compatible avec les annonces ou calendriers électoraux. Exemple : la récente inversion des ventes de voitures neuves Diesel/essence mettra des années à impacter le parc existant donc l’air urbain, d’autant que, la cote des Diesel d’occasion s’effondrant, leurs propriétaires les conserveront plus longtemps. D’autres exemples existent.
  • La voiture électrique à batterie nécessiterait le développement d’un réseau de distribution non engagé à ce jour. Ses limitations technologiques sont rédhibitoires hors zone urbaine, son bilan carbone est médiocre si l’on intègre toute la chaîne, son bilan environnemental complet est problématique (batteries notamment). Mener de front son développement à grande échelle et vouloir réduire la part du nucléaire est incompatible, sauf à redémarrer des centrales à charbon : est-ce l’objectif ?
  • Une politique claire de transition doit être engagée, avec des étapes atteignables : par exemple, favoriser immédiatement le gaz (GNV) plutôt que le gazole pour le transport routier de marchandises, en engageant en parallèle les investissements nécessaires, pour le multimodal comme pour l’intermodal.
  • La FNIC-CGT estime que la pile à combustible est un secteur d’avenir, l’hydrogène mobilité étant le complément aux énergies intermittentes renouvelables en matière de stockage. La voiture à hydrogène est un meilleur choix technologique que le véhicule à batterie. Son développement passera par un engagement public fort, y compris s’agissant du réseau de distribution.

CONCLUSION

Une programmation pour l’énergie suppose une double planification :

  • Sécurité énergétique (dont approvisionnement et prix) pour l’activité économique dont l’industrie, pour le résidentiel et pour les transports. La France est dans une zone optimale de ratio consommation d’énergie/indice de développement humain. Ceci est une moyenne masquant les disparités fortes entre classes sociales. Toute « restriction » énergétique, qu’on la nomme sobriété ou pas, amènerait recul social et aggravation des inégalités.
  • Gestion des déchets car aucune énergie n’est non-polluante : polluants atmosphériques (agricoles et industriels de toutes sortes et ceux issus des transports : polluants locaux, parmi lesquels les particules dont une part non négligeable provient de l’usure des enrobés bitumeux, polluants globaux : CO2, oxydes d’azote, etc.), déchets radioactifs, polluants des sols et de l’eau, etc.

L’énergie, droit fondamental humain, doit être mise exclusivement sous contrôle public et citoyen. de la

Cahier d’acteur n° 181 de la fédération nationale des industries chimiques CGT (version pdf)