La baisse de la dotation du fonds du 1% occasionne un manque à gagner de près de 70 millions d’euros pour les organismes sociaux. Une situation inédite qui a nécessité des mesures exceptionnelles. Décryptage.

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« Dès que nous avons reçu la notification gouvernementale sur le fonds prévisionnel pour 2016 du 1%, nous nous sommes aperçus que cela allait entraîner une baisse cumulée des ressources dédiées aux activités sociales, sur trois ans, de l’ordre de 68 millions d’euros. Alors même que nous étions déjà confrontés à une situation compliquée… » Jean-Claude Moreau, président du Comité de coordination des CMCAS, nous rappelle la stupeur et la colère des militants CGT des activités sociales confrontés à une baisse de 14% du fonds du 1%, plaçant les organismes sociaux dans une situation ô combien délicate : il manque 40 millions d’euros pour équilibrer le seul budget de la CCAS. Et les CMCAS ? « Nous avons fait un rapide calcul… En tenant compte de la clé de répartition habituelle, soit 70/30 [le fonds du 1% est réparti à 70% pour la CCAS et à 30% pour les CMCAS, NDLR] cela signifiait qu’une quinzaine de CMCAS cessaient toute activité au 1er janvier 2016, une fois payées leurs charges de fonctionnement, mais aussi les fonds dédiés à la solidarité, comme l’action sanitaire et sociale et la CSM-R. Car dans ce schéma là, compte tenu de la baisse du 1%, seulement 12 millions d’euros revenaient aux CMCAS pour qu’elles développent leurs activités propres.

 

Réactions    

Les organismes sociaux et la CGT réagissent immédiatement : communiqués aux CMCAS et à l’ensemble des bénéficiaires, alerte aux president_ccasfédérations syndicales, courriers aux employeurs de la branche pour protester et dénoncer la situation ainsi qu’au ministère pour réclamer une énième fois qu’une table ronde soit organisée…  « La session du comité de coordination s’est réunie et pour la première fois de son histoire n’a pas voté de répartition budgétaire. Le message a été transmis aux CMCAS qui de leur côté ont contacté les élus locaux et les préfets pour leur faire part de la situation critique dans laquelle elles se trouvaient. Le conseil d’administration de la CCAS s’est également réuni. Lui aussi, pour la première fois de son histoire, n’a pas voté son budget… »

« Une situation tout à fait inédite » renchérit Michaël Fieschi, président de la CCAS. « D’une part quant à la hauteur de cette baisse : c’est comme si après avoir touché ton salaire sur une année, on t’amputait financièrement d’une somme déjà engagée. D’autre part, la situation de certaines CMCAS était elle aussi particulièrement inédite. »

Contraintes réglementaires

Il s’avère que les dispositions réglementaires sont claires et précises : le comité de coordination doit répartir le fonds du 1% avant la fin de l’année civile pour qu’ensuite les CMCAS puissent voter leur budget. « Nous avons rencontré les employeurs de la branche pour les alerter sur la situation. Et nous leur avons demandé s’il était possible que les directions nous accordent une « rallonge » qui permettre a minima de retrouver le niveau de 2013, soit 500 millions d’euros » précise Jean-Claude Moreau. « En guise de réponse, une fin de non recevoir… » Face à cette situation, la FNME-CGT convoque un conseil général exceptionnel, réunissant le 1er décembre ses syndicats autour de ces épineuses questions. Face à l’embroglio financier, la première réponse est de modifier la clé de répartition CCAS-CMCAS, en passant d’un 70/30 à un 68/32. Dés le lendemain, le comité de coordination approuve la nouvelle répartition qui permet à la dotation destinée aux activités de passer de 12 à 21 millions d’euros mais qui, mécaniquement, rajoute aux difficultés de la CCAS, amputant la dotation faite de 8 millions d’€ (lire aussi les témoignages des CMCAS en page 13). En second lieu, le conseil général et les syndicats mandatent les élus du conseil d’administration de la CCAS pour agir sur huit leviers (lire A la loupe) afin de construire un budget pour l’organisme en 2016, principe qui sera adopté par le conseil d’administration de la CCAS le 11 décembre. Comme le rappelle la CGT, « il est important de noter qu’en l’absence de vote d’un budget, la tutelle publique pourrait décider de retirer la gestion de la CCAS aux élus en place et la supplanter par toute autre forme de gestion : désignation d’un administrateur judiciaire, gestion par les employeurs… »

Lutter, gérer

« Syndicalement, nous nous sommes posés la question de savoir si nous étions en capacité de gérer en luttant et de lutter en gérant. Ou si nous rendions les clés aux pouvoirs publics. La question devait être posée, dans la mesure où nous avons la responsabilité de cette gestion » souligne J-C. Moreau. « L’enjeu est bien de faire partir les salariés en vacances » martèle M. Fieschi. « Nous n’avons pas décidé de distribuer des chèques-vacances mais de continuer à proposer des vacances dans le cadre du tourisme social : telle est notre ambition, malgré le contexte. Nous avons décidé de ne pas toucher à la culture, ni à l’action sanitaire et sociale, ni à la CSM-R et d’augmenter les tarifs à destination des électriciens et gaziers de seulement 10% pour ne pas leur faire supporter toute la baisse du 1%. Nous voulons faire vivre nos valeurs dans un contexte qui hélas est économiquement contraint. »

Mobilisations et suites

Les 4 puis 24 novembre, le 9 décembre : les mobilisations n’ont pas manqué ces derniers temps afin de rappeler les exigences des salariés. Et les interpellations répétées de la fédération finissent elles aussi par porter leurs fruits : le 12 décembre, la FNME reçoit un courrier de Ségolène Royal indiquant qu’elle demande à la DIGEC (*) d’organiser une réunion tripartite réunissant les fédérations, les pouvoirs publics et les employeurs, autour de la question du financement des activités sociales. Réunion qui se tiendra le 17 février et qui permettra à la CGT de faire valoir ses arguments (lire aussi page 14). « Les propositions de financement que nous portons montrent bien que l’ambition de la CGT est de proposer une offre de vacances à l’ensemble des salariés, privés d’emplois et retraités. Lors de son congrès de 1999, la FNME s’était prononcée pour un statut unique des salariés de l’énergie et des activités sociales pour tous et partout » rappelle M. Fieschi. Plus de places disponibles, plus de départs en vacances ? « Oui, c’est ce que veut la CGT, même si pour cela il faut bouger les lignes. A supposer que nous touchions 500 millions d’euros de dotation, faudrait-il arrêter le mouvement que nous avons engagé ? Non. Il faut maintenir notre ambition politique et l’assumer. Car il ne s’agit pas seulement d’une contrainte budgétaire à laquelle faire face. Le syndicalisme, c’est bien la mutualisation et l’essaimage des droits. »

(*) Direction du gaz, de l’électricité et du charbon

Contraintes et leviers

Les orientations décidées par les syndicats en conseil général le 1er décembre dernier engagent la CCAS à faire 50 millions d’économies. Huit « leviers » ont ainsi été déclinés, portant sur les frais de structures, les frais de fonctionnement, la réduction de la masse salariale, l’optimisation du système d’information (SI) et du patrimoine tertiaire, la valorisation du patrimoine vacances en procédant à des délégations d’exploitation de centres, la réorganisation des sièges nationaux et territoriaux, l’utilisation des reliquats budgétaires des CMCAS. Face aux inquiétudes légitimes des salariés, la fédération a affirmé et mandaté ses administrateurs pour qu’il n’y ait pas de plan social à la CCAS.