banner_ppe

L’avis de la CGT dans le débat public sur la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) a été adopté par le Bureau confédéral de la CGT le 22 mai 2018. Il figure ci-joint dans un 4-pages (format cahier d’acteur) publié sur le site du débat organisé par la Commission nationale du débat public (CNDP), qui se clôt fin juin.

Le gouvernement doit publier ses projets de PPE et de SNBC (stratégie nationale bas carbone) au début de l’été, consulter à l’automne le CNTE (Conseil national de la transition écologique) et le CSE (Conseil supérieur de l’énergie) puis adopter avant la fin de l’année par décret la PPE et la SNBC.

Les 9 fiches argumentaires ci-dessous éclairent les analyses et préconisations de l’avis de la CGT, selon le plan suivant :

  1. Contexte et enjeux PPE et SNBC (stratégie nationale bas carbone) ;
  2. Les émissions de GES (gaz à effet de serre), les énergies, leur utilisation ;
  3. Les émissions augmentent pour la première fois depuis 1990 : quatre constats pour réfléchir ;
  4. Quatre désaccords ;
  5. Libéralisation de l’énergie et attaques contre les services publics sapent les moyens d’action
    des pouvoirs publics ;
  6. Rendre concrète la transition juste et solidaire ;
  7. Émissions de GES, empreinte carbone, efficacité énergétique, réduire les divergences ;
  8. Maîtriser le développement des énergies renouvelables avec de nouvelles priorités ;
  9. Planifier les productions des énergies, comme l’évolution du parc électronucléaire.

Pour en savoir plus… Sur les transports, un jeu de fiches CGT (mai 2018) complète le cahier d’acteur CGT-UIT remis fin 2017 au débat des Assises de la mobilité et les propositions de mars 2018 de la fédération CGT des cheminots sur la réforme ferroviaire. Sur l’énergie, la FNME a produit un cahier d’acteurs sur la PPE (mars 2018) et ses préconisations pour un service public de l’énergie et un pôle public de l’énergie (avril 2018). Suite aux Assises CGT de l’industrie (février 2017), des argumentaires peuvent également être disponibles sur des filières particulières auprès des fédérations, des comités régionaux ou unions départementales CGT.

Fiche n°1 – Contexte et enjeux
  1. Contexte 

    La PPE, qui vise toutes les énergies et leurs utilisations, doit être approuvée avant la fin de l’année. En application de la loi transition énergétique et croissance verte d’août 2015, il s’agit d’adapter la PPE existante pour la période 2019-2023 et de programmer la période 2024-2028. Cette PPE devra être cohérente avec la stratégie nationale bas carbone (SNBC), qui doit aussi être révisée avant fin 2018 avec un 4e budget carbone (2029-2033). Le gouvernement publiera ses projets au début de l’été pour consultation et un avis du CNTE (Conseil national de la transition écologique) et du CSE (Conseil supérieur de l’énergie) sera donné à l’automne. L’adoption est prévue pour la fin de l’année. Un débat public organisé par la Commission nationale du débat public précède les projets de PPE et de SNBC.

  2. Enjeux – Pour la CGT, l’enjeu central est de répondre à quatre objectifs impératifs :
  • satisfaire les besoins énergétiques de la nation à des conditions optimales et adaptées à la maîtrise de la demande dans tous les territoires ;
  • réduire les gaz à effet de serre (GES) et les polluants atmosphériques, en application de l’accord de Paris (COP 21) et des normes de qualité de l’air (valeurs CEet OMS), pour lutter contre le dérèglement climatique et protéger la santé publique ;
  • garantir la sécurité, la continuité énergétique, un réel service public de l’énergie ;
  • assurer le respect du droit à l’énergie pour tous en mettant fin à la précarité énergétique, qui augmente et touche désormais 12 millions de personnes dans notre pays. Atteindre tous ces objectifs est encore possible. Pour répondre à ces quatre impératifs, le gouvernement est confronté à des contradictions : il doit donc faire des choix. Pour y parvenir, l’intérêt général et le respect des biens communs doivent commander les décisions nationales
    au détriment des intérêts privés – très puissants en ce domaine. La souveraineté populaire sur l’énergie et les moyens de la démocratie et des services publics représentent les meilleures garanties pour un bon fonctionnement à court, moyen et long termes.
    Or, la libéralisation généralisée de l’énergie, les intérêts des actionnaires et les attaques contre les services publics entrent en contradiction avec une planification efficace permettant de répondre aux quatre objectifs impératifs dans des conditions sociales, économiques et environnementales optimales.
    Lors de l’adoption de la loi transition énergétique de 2015 (Loi LETCV), la CGT a contesté quatre éléments. Les faits et trajectoires observés en 2016, 2017 et ces premiers mois confortent nos positions (voir fiches n° 3 et 4). Ils sont au centre du débat et des problèmes posés. La PPE devra être révisée pour les périodes 2019-2023 et fixer des choix pour 2024-2028. La SNBC doit aussi être révisée et fixer une quatrième période 2029-2033. L’une et l’autre devront intégrer le long terme. Les nombreux scénarios et prospectives ont des conséquences différentes sur les emplois, les prix de l’énergie, la précarité énergétique, la prévention du changement climatique, la biodiversité.
    En partant du décryptage de la réalité de notre situation, la CGT soumet des propositions. Elles visent le développement humain durable par une transition
    juste et solidaire, revendiquée aussi au plan européen et international par la CES et la CSI dans les décisions en matière de changement climatique et d’énergie.
Fiche n°2 - Les émissions de gaz à effet de serre, les énergies et leur utilisation
  1. La répartition des énergies en consommation finale (« mix énergétique ») en France : pétrole : 39 % ; gaz naturel : 21 % ; électricité : 27 % ; charbon : 1 %. En consommation primaire d’énergie (« en brut » avant conversion en énergie finale avec des rendements différents selon les énergies), cette répartition donne ainsi : nucléaire : 38,7 % ; pétrole : 32,4 % ; gaz naturel : 16,2 % ; hydraulique : 5,7 % ; charbon : 3,5 % ; énergies renouvelables (EnR) : 3,5 %.
    Ces énergies sont consommées sous forme de chaleur (50,6 %), d’électricité (34,2 %) et dans les transports (13,2 %).
    Composition du « mix électrique » en France et en Allemagne (chiffres Allemagne entre parenthèses) : 72 % nucléaire (6,9 %), 12 % hydroélectricité (3,1 %), 7 % gaz (21 %), 1,4 % charbon (41 %), 4,3 % éolien (14,2 %), 1,7 % photovoltaïque (6,2 %), 1,6 % biomasse déchets (7,6 %).
    EnR électrique : France 17,8 % (Allemagne 29,5 %). Les EnR électriques sont intermittentes (EnRi : éolien/photovoltaïque) ou bien pilotables et permanentes (hydroélectricité, sauf situation très prolongée de déficit en eau).

    Le mix électrique français émet huit fois moins de CO2 que l’allemand (moyenne des dernières années en g/kWh), pour un prix moitié moindre pour les ménages (17 centimes par kwh contre 29 centimes par kwh).

  2. Les gaz à effet de serre (GES) sont essentiellement les émissions de CO2 causées par l’utilisation des énergies fossiles – pétrole et ses dérivés, fuel, essence, gazole, gaz naturel, charbon.
    Mais les GES sont aussi les émissions de cinq autres gaz. Celles de méthane (CH4, par exemple, élevages pour 40 %, décharges de déchets…), de protoxyde d’azote (N2O, par exemple, engrais azotés pour 40 %, chimie du nylon…) et trois gaz fluorés (par exemple, certaines mousses, systèmes frigorifiques…). Ces gaz émis dans des proportions différentes et selon des cycles de vie spécifiques ont des effets plus ou moins élevés sur le réchauffement climatique.
    On parle ainsi pour chacun des 6 gaz d’un potentiel de contribution au réchauffement global de l’atmosphère. Par convention de calcul, on emploie la notion de tonne équivalent CO2 (t eq CO2).
    L’objectif fixé par la loi de 2015 est de réduire les émissions de GES de 40 % en 2030 (par rapport au niveau de référence 1990) et d’un facteur 4 en 2050. Cet objectif de réduction d’un facteur 4 serait remplacé selon le plan Climat de juillet 2017 par l’objectif de neutralité carbone en 2050, ce qui est encore plus exigeant.

  3. Principaux objectifs de la première PPE pour 2023 (par rapport à 2012) :
    EnR électriques : + 50 % de capacité installée (71-78 GW) ;
    EnR chaleur : + 50 % de capacité installée (19 Mtep) ;
    biométhane injecté dans réseau gaz : 8 TWh ;
    consommation finale d’énergie : - 12,3 % ;
    consommation primaire d’énergies fossiles : - 22 % ;
    consommation primaire de charbon : - 37 % ;
    consommation primaire de produits pétroliers : - 23 % ;
    consommation primaire de gaz : - 16 %.

    Ces objectifs pourront être révisés par la nouvelle PPE (2019-2023), qui devra fixer également les quantités programmées pour la période 2024-2028.
Fiche n°3 - Quatre premiers constats invitent à réfléchir

La CGT invite à tirer les leçons des difficultés de mise en œuvre des objectifs de transition énergétique.

Avec la particularité de notre situation nationale, il faut aussi apprendre des expériences d’autres pays, plus ou moins comparables, comme des évolutions et contradictions du cadre européen et international en ce domaine.

Pour la première fois depuis 1990, les émissions françaises de GES augmentent en 2017. Quatre premiers constats invitent à réfléchir :

  1. Les émissions de GES du secteur des transports (31 % du total) sont en hausse. Les plafonds prévus par la SNBC pour ce secteur ne sont pas respectés pour 2015-2018, et ne le seraient pas pour 2019-2023, voire 2024-2028, faute de reports modaux alternatifs à la route des transports de personnes et de marchandises ;

  2. À l’exception de l’hydroélectricité, les énergies renouvelables ne répondent pas aux 4 impératifs – malgré une tendance à la baisse des coûts de certaines filières – en termes de part dans le mix énergétique, de filières industrielles complètes de production d’équipements (6 % seulement de fabrication en France dans la valeur ajoutée des équipements d’EnR) et d’emplois. Elles relèvent dans la plupart des cas de marchés de « niches » profitables à des acteurs privés et fortement aidés par des subventions ou garanties de prix de rachat, notamment celles payées par les ménages sur les factures d’énergie en réseau (électricité et gaz). Le niveau des aides publiques accordées devrait faire débat selon les énergies auxquelles elles se substituent, carbonées – c’est-à-dire avec émissions de CO2 – ou non carbonées ;

  3. Les émissions de GES des bâtiments représentent 27 % du total (en consommations finales d’énergie, 3/5 émanent du résidentiel et 2/5 du tertiaire). Elles doivent baisser de moitié d’ici 2028 selon la SNBC. Cela ne sera pas le cas en raison du rythme des rénovations énergétiques (objectif des 500 000 logements par an non atteint, faute notamment d’aides publiques suffisantes pour la cible des ménages modestes dans des logements mal isolés), du flou des obligations visant la rénovation des bâtiments tertiaires privés et des baisses de crédits pour la rénovation des bâtiments des collectivités territoriales. La précarité énergétique a doublé en dix ans ;

  4. En 2017, après des baisses moyennes de 2 % ces dernières années, les émissions des secteurs industriels relevant du système européen de permis négociables (43 % du total des émissions européennes de GES) ont augmenté en raison surtout d’une hausse des émissions de la production d’acier ou encore de lignite pour la production électrique – notamment en Allemagne.
Fiche n°4 - Quatre désaccords majeurs

Dans le débat sur la transition énergétique, la CGT conteste quatre points :

  1. La diminution de 50 % de la consommation en 2050, qui vise toutes les énergies carbonées ou non… Elle paraît irréaliste compte tenu de la démographie, des moyens indispensables pour la nécessaire réindustrialisation du pays afin de réduire son empreinte carbone, comme pour isoler massivement l’habitat et le tertiaire. Augmenter l’efficacité énergétique, maîtriser la demande d’énergie : oui, mais avec la stratégie bas carbone, en visant désormais la neutralité carbone et la réduction de l’empreinte carbone, et non le rationnement par l’argent des consommateurs quelle que soit l’énergie. La loi de 2015 affirme bien parmi ses objectifs ceux d’éradiquer la précarité énergétique, un droit d’accès de tous à l’énergie sans coût excessif au regard des ressources des ménages ;

  2. La réduction à 50 % de la part du nucléaire dans le mix électrique en 2025. Elle est arbitraire, et sans rapport avec la réduction des émissions de GES, alors que les énergies renouvelables (EnR) ne sont pas prêtes à prendre le relais dans ces proportions. Une telle réduction à cette échéance conduirait à la fois à augmenter les émissions de GES et à renchérir les prix de l’électricité à des niveaux inacceptables. La France émet ces dernières années en moyenne huit fois moins de CO2 par kWh que l’Allemagne, pour une électricité moitié moins chère ;

  3. La privatisation des barrages hydrauliques, producteurs d’une électricité sans gaz à effet de serre (12 % de notre électricité), à faible coût et nécessaire à l’équilibre du réseau électrique, comme à la gestion d’intérêt public des usages de l’eau et des milieux aquatiques. Des pays européens ont décrété l’hydroélectricité d’intérêt général sans opposition de la Commission européenne. Pourquoi offrir à la rente de capitaux privés – comme pour les autoroutes – des barrages rentables de trois concessionnaires « historiques » (dont EDF), en sacrifiant à la fois leur apport à l’équilibre électrique, leur potentiel pour le stockage d’énergie par pompage (Step) et la gestion d’intérêt général de l’eau – « patrimoine commun de la nation » selon le Code de l’environnement ?

  4. L’absence d’investissements et de volonté en faveur des modes alternatifs à la route (fer, fluvial, maritime), d’une politique multimodale intégrant tous les modes. Au lieu de combattre le dumping social, environnemental et économique du transport routier de marchandises dont les coûts externes (pollution, dégradation des infrastructures, congestion, etc.) sont supportés par les impôts des citoyens, les objectifs législatifs en vigueur de report modal alternatif à la route (de 11 à 25 %) sont bafoués – au moins pour les dix prochaines années selon les projections des scénarios dominants. La possible redevance poids lourds (400 M€/an) de l’avant-projet de loi Mobilités, ne pèserait pas lourd face aux 3 Mds€/an d’exonération de TICPE en 2022 remboursés aux entreprises de transports routiers (1 Md€ dès 2018), selon la programmation des finances publiques avec l’augmentation de la composante carbone. Et pour diminuer les crédits publics d’entretien des routes – voire les remplacer – des péages généralisés sur les voitures particulières seraient déployés à la carte pour tous types de routes (nationales et départementales) en milieu urbain ou hors agglomération, en alliance avec les sociétés concessionnaires d’autoroutes… Aujourd’hui les usagers payent les externalités des poids lourds routiers par les impôts et la fiscalité sur les carburants. Demain, ils paieront en plus beaucoup plus de péages sur tous types de routes…
Fiche n°5 - la libéralisation de l’énergie, les attaques contre les services publics de l’énergie, ceux des transports, ceux chargés d’aménagement des territoires et de planifications, sapent les moyens d’action des pouvoirs publics
  1. Il doit être reconnu que les dogmes de la concurrence et de la déréglementation des secteurs de l’énergie et des transports sapent les leviers d’action des pouvoirs publics, sauf à se contenter de programmations « de papier » non suivies d’effets, en laissant les réalités au libre jeu des marchés de capitaux et des clients… Le bilan de la libéralisation de l’énergie doit être établi. Dans les territoires, à l’échelle du pays, au niveau européen, les services publics sont affaiblis et mis en cause. Or leurs rôles et moyens s’avèrent déterminants dans la transition énergétique solidaire pour le développement humain durable : service public de l’énergie, services publics de transports, besoins de planification urbaine et d’aménagement du territoire, consistance des politiques industrielles, moyens de la politique du logement, projet de service public de la performance énergétique de l’habitat…
    Gagneraient à être traités avec des moyens dédiés, la cohérence et le suivi entre PPE-SNBC au niveau national et en régions, les nouveaux schémas régionaux de développement durable (Sraddet) volets SRCAE (schémas régionaux climat air énergie) et les intercommunalités avec les PCAET (plans climat air énergie territoriaux).

  2. La continuité et la sécurité d’approvisionnement électrique – mais aussi gazier – posent la question des garanties face aux risques de défaillance. D’une part, le niveau des obligations de stockage de gaz ne doit pas reculer dans la révision de la PPE. D’autre part, l’équilibre du réseau électrique doit gérer les pointes de consommation, mais aussi savoir faire face à l’intermittence des EnR non pilotables (à la différence de l’hydroélectricité, de la géothermie, ou du nucléaire). La PPE révisée devra choisir entre les obligations réglementaires de continuité du service public (avec les investissements nécessaires associés), celles imposées aux entreprises et le recours aux solutions de marchés dits « d’effacement ».

  3. Pour des transports collectifs du quotidien adaptés en qualité et en proximité, il faut investir. Nous préconisons ainsi un taux réduit de TVA à 5,5 % sur les transports collectifs, une augmentation du versement transports des entreprises aux autorités publiques de mobilités, des indemnités kilométriques vélos couplées aux transports en commun des salariés, des plans de mobilités des entreprises dès le seuil de 50 salariés et le lancement d’un 4e appel à projet « transports urbains ». Pour faire reculer la part routière des transports de marchandises et développer les modes alternatifs à la route (fer, fluvial, maritime), plusieurs mesures sont à déployer : la création de redevances sur les poids lourds et les camionnettes de transports de marchandises à hauteur de tous leurs coûts externes (pollution, usure des chaussées, congestion…), l’arrêt des remboursements d’exonération de TICPE (taxes sur les carburants) aux entreprises de transports routiers, l’affectation de la TICPE aux infrastructures de transports dont 6 Mds€/an au réseau ferré national, la fin du dumping social dans les transports, imposer aux donneurs d’ordres des prix corrects… Par ailleurs, la multimodalité et la complémentarité appellent des investissements (dessertes ferroviaires, fluviales, ports maritimes…).
Fiche n°6 - Transition juste et solidaire

Il est temps de rendre concrète la notion de « transition juste », inscrite à l’accord de Paris.

  1. Demeurent non suivis d’effets les objectifs inscrits dans la loi de transition énergétique de 2015, de « garanties sociales de haut niveau pour tous les salariés concernés » par les transitions énergétiques, et l’élaboration par l’État après concertation d’un « plan de programmation de l’emploi et des compétences (PPEC) ». Pour l’élaborer, la mission confiée le 28 mars dernier par quatre ministres à Laurence Parisot sera la seule concrétisation sur ce point du plan Climat de juillet 2017 qui annonçait : « Nous lancerons avec les organisations professionnelles et syndicales une réflexion sur l’évolution des métiers dans le secteur de l’énergie… Le PPEC sera publié en 2018. ».
    L’expérience lancée dans 8 territoires avec des contrats de transition écologique entre l’État et des intercommunalités n’est pas à la hauteur des besoins en matière d’emplois, de délais et d’investissements. Cela vaut pour la fermeture des 4 dernières centrales thermiques à charbon (pour moins de 1 % du total des émissions de GES, l’intérêt écologique de ces fermetures sans reconversion est douteux) ou l’arrêt de la centrale nucléaire de Fessenheim, malgré les investissements réalisés et les audits de l’ASN (Autorité de sûreté nucléaire). Sont ignorées les préconisations pour la réussite de la transition solidaire dans les territoires (voir notamment avis et rapport du Cese du 28 novembre 2017) et celles pour une politique industrielle durable (voir notamment avis et rapport du Cese du 27 mars 2018).
    Il faut arrêter les suppressions d’emplois en cours ou prévues dans les entreprises de l’énergie (Enedis, EDF, Total, Engie…), celles d’équipements énergétiques et électriques (GE, ex-Alstom…). Il est nécessaire de développer des filières industrielles et des coopérations par des investissements, en mettant fin aux gâchis des rachats boursiers, déstructurations et acquisitions financières.
    Nous voulons la programmation de l’emploi et des compétences liés aux transitions énergétiques par une négociation sans délai entre l’État, les organisations syndicales et le patronat, avec les garanties sociales de haut niveau et un statut des salariés de l’énergie.

  2. En dix ans, la précarité énergétique a doublé en France. Il est impératif d’augmenter sans délai le chèque énergie des 12 millions de précaires énergétiques par un financement public ne reposant plus en majorité sur les factures des ménages. Instauré en 2018, le chèque énergie est d’un montant moyen de 150 € par an par ménage (soit environ 15 % des dépenses d’énergie). Il pourrait passer selon le ministre à 200 € en 2019… mais on sera toujours loin du quart des dépenses des ménages bénéficiaires… L’urgence, c’est d’augmenter substantiellement le chèque énergie et d’interdire les coupures de courant ou de gaz pour les usagers en difficulté.
    Il faut réduire la précarité énergétique en rénovant effectivement 500 000 logements par an, en priorité les plus mal isolés habités par des ménages modestes
    (150 000 par an aidés par l’Agence nationale de l’habitat au lieu de 75 000 ; 200 000 par an dans le parc social au lieu de 100 000). L’objectif de 500 000 par an défini il y a plusieurs années n’est pas tenu. En réalité, seules 290 000 rénovations performantes ont eu lieu (dernière année connue), dont seulement 110 000 très performantes.
    Il faut baisser la TVA à 5,5 % (au lieu de 20 %) sur les consommations courantes des ménages en électricité et gaz et maintenir les tarifs réglementés de vente (TRV), comme la péréquation tarifaire : ce ne sont pas des biens marchands ordinaires mais des éléments essentiels à la vie, comme l’eau. Cela serait aussi une traduction du droit d’accès à l’énergie.

  3. Il faut combattre la précarité et le dumping social dans les secteurs du bâtiment, des chantiers de rénovation énergétique, en améliorant les conditions de travail, la qualité des prestations de travaux et la réalité des performances annoncées. Les pistes de progrès : faire reculer la sous-traitance généralisée et les abus de la mise en concurrence du travail détaché, augmenter les temps consacrés à la formation professionnelle des salariés sur les évolutions des technologies et des matériaux et défendre le rôle des architectes dans la conception et le suivi des travaux – alors qu’ils sont contraints au silence par pression économique des entreprises.
Fiche n°7 - Émissions de GES, empreinte carbone, efficacité énergétique, réduire les divergences

La divergence entre les trajectoires d’émissions nationales de GES (émissions « territoriales ») et celles de l’empreinte carbone de la France (émissions liées à la consommation domestique incluant les importations) est un défi majeur à relever. Depuis 1990, l’empreinte carbone augmente de plus de 10 points, les émissions baissent de plus de 10 points. Cela résulte de la désindustrialisation massive. Les émissions industrielles passent de 160 millions de tonnes équivalents CO2 (1990) à 95 en 2016. Dans notre pays, l’industrie ne représente que 17 % du total des consommations finales d’énergies et 21 % des émissions de GES (43 % en Europe). Cet écart entre émissions et empreinte carbone est très significatif en France par rapport à d’autres pays dits « développés ». Il appelle évidemment une politique industrielle et énergétique adaptée.
Parmi les installations classées pour la protection de l’environnement en France, 1 177 installations industrielles relèvent du système européen de permis négociables (dit ETS) : la valeur moyenne 2018 de 7 € par tonne de CO2 à la bourse d’échanges, contre 15 €/t CO2 en 2009 au démarrage du système, peut être comparée à la valeur actuelle de 44,60 €/t CO2 de la composante carbone de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) appliquées aux ménages et aux petites entreprises. La relocalisation des productions et les investissements industriels nécessaires aux progrès attendus de l’économie circulaire sont des leviers pour réduire l’empreinte carbone de la France. L’économie des ressources minérales ou végétales, produites ou importées, est aussi en cause.
Mais les gains d’efficacité énergétique n’étant pas continus, une activité de production industrielle nationale indispensable et plus soutenue pourrait se traduire par une augmentation des émissions de GES, sans investissements adéquats. Le filtrage aux frontières européennes par des mécanismes telles les taxes carbone vis-à-vis des importations de produits n’intégrant aucune contrainte de l’accord de Paris, doit être sérieusement discuté. Cela vaut d’autant plus si la composante carbone de la TICPE devait passer de 44,60 €/t CO2 à 86 €/t CO2 en 2022 (loi de programmation des finances publiques 2018), puis à 225 € en 2030, 400 € en 2040, et 600 € en 2050 (travaux sur la valeur tutélaire du carbone de la Commission présidée par M. Quinet dont le rapport est attendu au début de l’été).
La PPE et la SNBC devraient avoir en ligne de mire la trajectoire de neutralité carbone des énergies et de leurs utilisations d’ici 2050. En effet, il convient de favoriser les décisions « sans regret », les investissements de long terme, le développement scientifique et technique d’applications à maturité variable, au détriment de la domination des marchés des énergies, produits et équipements énergétiques sur critères de rendement financier de court terme. Bien que stratégique en ce domaine, la recherche-développement est à la traîne en France avec un sous-investissement des entreprises et la « course aux crédits » dans la recherche publique. Il faut respecter l’objectif de 3 % du PIB pour la recherche, fixé il y a plus de dix ans… Il est resté lettre morte, alors que les entreprises profitent du crédit impôt recherche et du CICE. Efficacité énergétique – gains en intensité énergétique finale, progrès variables selon les secteurs (base 100 en 2002) :

  • industrie et construction : 78 ;
  • Transports de marchandises : 78 ;
  • Résidentiel : 80 ;
  • Tertiaire : 85 ;
  • Transports de personnes : 95 ;
  • Agriculture : 95.
Fiche n°8 - Maîtriser le développement des EnR avec de nouvelles priorités

La CGT propose un développement maîtrisé des EnR, en changeant les priorités. Avec des filières complètes au vu de leur bilan carbone, impacts sur la biodiversité, de leur maturité technique et économique, des analyses de cycle de vie intégrant terres rares et matériaux utilisés. Ainsi, en fonction de leur contribution au système énergétique, il faut :

  1. Donner priorité aux EnR non électriques se substituant aux énergies fossiles (en consommation finale d’énergie : pétrole 39 %, gaz naturel 21 %, charbon 1 %, électricité 27 %) : biomasse sous forme de chaleur, biométhane injecté dans le réseau, bio GNV, thermique solaire, pompes à chaleur, extension de la géothermie et des réseaux de chaleur en doublant le fonds chaleur… Les soutiens publics aux EnR thermiques (567 M€ par an) ne représentent que 10 % des aides publiques aux EnR, alors que 50,6 % des consommations d’énergies sont sous forme de chaleur. Pour la biomasse, il conviendra de veiller à ce que les bilans carbone, les impacts sur la biodiversité, ainsi que sur les surfaces agricoles destinées aux cultures alimentaires, soient bien positifs ;

  2. Intégrer l’apport des EnR électriques (l’éolien et le photovoltaïque sont des énergies dites intermittentes ou non pilotables, EnRi) avec des filières industrielles de production en France et en Europe, des emplois qualifiés avec des garanties sociales de haut niveau, en complément de l’électronucléaire et de l’hydroélectricité. En effet, notre mix électrique est déjà fortement décarboné – à plus de 90 %. Or, les soutiens publics aux seules EnRi électriques représentent 90 % des aides publiques aux EnR (plus de 4 Mds€ par an, moitié éolien, moitié photovoltaïque). Soit en cumulé sur environ vingt ans, 79,1 Mds€ avec les seuls engagements actuels déjà souscrits par l’État auprès des investisseurs privés, pour près de 6 % de la production électrique totale (4,3 % éolien et 1,7 % photovoltaïque). Il faut instaurer une maîtrise des aides publiques aux EnR électriques alimentant des profits privés. Et si nous voulons complément et non-concurrence avec l’hydraulique et le nucléaire, nous devons réexaminer les modalités des obligations d’achat, développer les coopérations sur les solutions viables de stockage de l’électricité et tenir compte des investissements liés dans les réseaux électriques avec les schémas de raccordement et d’interconnexions. La gestion de l’intermittence des EnRi – et donc du maintien de l’équilibre électrique – est un défi majeur. Par exemple, l’Allemagne, qui atteint 29,5 % d’EnR dans son mix électrique mais seulement 3,1 % d’hydroélectricité pilotable, donc 26,4 % d’EnRi, gère les pointes de consommation avec beaucoup de charbon/ lignite et de gaz, et l’intermittence avec beaucoup d’exportations et d’importations. Pour 48 GW de solaire photovoltaïque, l’amplitude journalière des fluctuations solaires de 18 GW au mois de mai correspond exactement aux 18 GW des importations/exportations du mois  de mai avec les réseaux des autres pays. La gestion de l’équilibre est ainsi reportée sur les réseaux des autres pays, en raison des capacités insuffisantes de stockage par pompage hydraulique (Step) ;

  3. Prévenir les risques de défaillances des réseaux, liés aux pointes de consommation et/ou à l’intermittence des EnR, en préservant les capacités actuelles d’appoint des centrales au charbon ou gaz dont les émissions de GES sont actuellement marginales en France dans le mix électrique. Les enjeux des recherches sur la captation du CO2 et sur des reconversions avec des combustibles de récupération biosourcés invitent également à refuser la fermeture de ces centrales thermiques qui résulterait au sacrifice du savoir-faire industriel en ce domaine, essentiel à l’échelle mondiale, qui serait laissé à d’autres pays ou industries.
Fiche n°9 - Planifier les productions des énergies, comme l’évolution du parc électronucléaire

L’objet de la PPE est bien de planifier les capacités de production d’énergie par périodes à court et moyen termes (2024-2028), en cohérence avec les temporalités de la SNBC qui va un peu plus loin (2029-2033), en s’inscrivant dans des objectifs communautaires (2030) et internationaux (accord de Paris et conférence des parties de la convention climat). Au regard des deux mix énergétique et électrique nationaux, il est essentiel – pour tenir tous les impératifs à des conditions économiques et sociales viables – de développer fortement les EnR thermiques et d’intégrer progressivement les EnR électriques intermittentes (EnRi). Celles-ci doivent venir en complément du nucléaire (72 %) et de l’hydroélectricité (12 %). Cette dernière, dont le potentiel technique est quasiment atteint, n’est pas appelée à se développer dans l’Hexagone – sauf réalisation de stockage par des Step associées (stations de transferts d’énergie par pompage) – pour des raisons de bonne gestion des milieux aquatiques et de la biodiversité. La base du mix électrique actuel, décarboné à plus de 90 %, ne doit donc pas être déstabilisée. Il faut donc programmer l’évolution du parc électronucléaire 100 % public. Il faut pour cela :

  • maintenir des critères de sûreté élevée contrôlés par l’ASN, afin de répondre aux enjeux de réduction des émissions de GES et de développement des usages de l’électricité selon les scénarios prospectifs (par exemple l’électromobilité, le lien avec l’hydrogène, les pompes à chaleur, les besoins d’énergie du recyclage et de l’économie circulaire…) ;
  • prolonger la durée de vie de réacteurs existants par des investissements répondant aux exigences de l’ASN. Les garanties de sécurité doivent être respectées pour tous les salariés intervenant sur les sites, notamment ceux des entreprises sous-traitantes ;
  • tirer tous les enseignements des délais et problèmes rencontrés dans la filière des EPR, pour la programmation du renouvellement des installations REP existantes. La 4e génération de réacteur doit être préparée pour optimiser le rendement de l’uranium et réduire les déchets nucléaires, en valorisant le stock de plutonium.
    Les études d’opinions révèlent que parmi les énergies, l’électronucléaire est perçu comme l’un des premiers responsables de l’effet de serre. Ainsi, la transition énergétique est étudiée par le seul prisme de la baisse du nucléaire dans le mix électrique. Rappelons que l’objectif de 50 % de nucléaire dans le mix électrique en 2025 ne résulte d’aucun raisonnement économique, écologique, climatique, social… Outre la hausse associée des émissions de GES, une étude récente indique qu’à niveau égal de production, un tel mix à cette date se traduirait par des surcoûts annuels de 9,4 Mds € pendant des dizaines d’années, payés par les usagers. En tout état de cause, le gouvernement doit modifier la loi sur ce point.
    Pour justifier ce chiffre dans la loi de 2015, la ministre avait répondu en substance dans une émission de radio « la moitié des Français sont contre le nucléaire, l’autre moitié pour… ». Une baisse de 25 % équivalente à celle de l’Allemagne a aussi été évoquée… En réalité, la part nucléaire dans le mix énergétique allemand est passée de 11,2 % en 1990 à 6,9 % en 2016 (soit 40 % de baisse en vingt-six ans). Elle doit être ramenée à 0 % avec la fermeture envisagée des 7 centrales existantes d’ici fin 2022, avec un nouveau projet de loi à débattre sur les conditions d’indemnisation de l’arrêt et de financement du démantèlement.
    S’agissant de la prévention des risques d’accident majeur, on doit admettre que la part de nucléaire dans le mix électrique (50 au lieu de 72) ne change pas fondamentalement
    l’exigence de sûreté… Sauf à considérer que les investissements nécessaires à la sûreté et à la sécurité sont à diminuer car trop coûteux, en réduisant le parc d’installations et en ne le renouvelant pas. C’est un raisonnement dangereux.

N.B. S’agissant du projet Cigeo de stockage profond de déchets radioactifs sur le site de Bure, la CGT donnera sa position dans le prochain débat public qui s’ouvrira en septembre.