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« NOUVEAU » projet d’accord sur le Temps travail : où en sommes- nous ?

Vous l’avez vu, c’est au forcing que la direction d’EDF cherche à imposer un soi-disant nouveau projet d’accord sur le temps de travail, afin d’imposer le Forfait-Jours, et ce malgré le rejet par toutes les fédérations syndicales et par le personnel en septembre dernier. Ce projet va être soumis à la signature des organisations syndicales entre le 15 et le 22 Février 2016, sans passage cette fois devant le CCE du fait des effets de la loi Rebsamen qui cherche à limiter les protections collectives.

 

NOUVEAU PROJET : qu’en est-il vraiment ?

La nouveauté réside dans le fait qu’il s’agit d’un « Accord catégoriel portant sur l’organisation du temps de travail des cadres »

Il ne s’agit plus d’un avenant, mais d’un accord catégoriel. C’est-à-dire que les capacités à valider ou dénoncer cet accord pour les organisations syndicales, seront considérées au regard des résultats qu’elles auront réalisées aux dernières élections professionnelles, uniquement sur le collège Cadre.

Pourtant la CGT n’a pas d’illusion sur le fait que c’est l’ensemble du personnel qui subira au fur à mesure les conséquences en termes d’organisation et de temps de travail.

Rappelons que le Forfait-jour est un bouleversement total du contrat de travail : un salarié, cadre ou non, met son temps à disposition de l’entreprise qui lui fournit du travail pour cette durée.

Avec le forfait-Jour, plus d’horaire collectif, ni même individuel : le temps de travail n’est plus comptabilisé, et c’est donc par l’atteinte de ses objectifs que l’agent sera jugé. Même la cour européenne des droits sociaux, sollicitée par la CGT et la CGC sur le dossier Forfaits-jours, a considéré, en 2011, que la loi française, en permettant de travailler 78 heures par semaine et en excluant le paiement des heures supplémentaires, viole les droits à une durée raisonnable de travail et à une rémunération équitable garantis par la Charte sociale européenne ratifiée par la France…….

A l’heure où la direction d’EDF annonce vouloir supprimer 4200 emplois à EDF, cela prend une signification particulière et nous posons la question : qui fera le travail qui est fait aujourd’hui par ces 4200 agents ?

Les dispositions actuelles seraient maintenues ?

Extrait : « Le présent accord catégoriel cadres ouvre un nouveau dispositif de forfait jours complémentaire aux dispositifs existants et aux rémunérations s’y référant, notamment l’accord du 25 janvier 1999 et les accords locaux associés » : fort bien, mais …

Cela ne suffit pas à nous « rassurer ». La CGT R&D a la plus grande méfiance vis-à-vis de cette annonce car rien n’est précisé dans ce texte. Nous pouvons craindre que tout soit renvoyé aux accords locaux.

Est-ce que les dispositifs existants seront maintenus dans leur intégralité ? Quelles garanties donnent la direction sur le maintien des 32h collectives (payées 34 rappelons-le !) et existant à la R&D et dans d’autres unités d’EDF ? Avec un impact sur l’ensemble du personnel ! Rien dans le nouveau projet de la direction ne le garantit !

Le VOLONTARIAT serait de mise : là encore nous ne sommes pas dupes !
Qui pourra vérifier qu’aucune pression ne serait faite sur tout nouvel embauché ? Aujourd’hui nous constatons que dans certaines unités bénéficiant des 32h collectives, il est fortement « conseillé » aux nouveaux arrivants d’être aux 35h. Ou au mieux, la possibilité de bénéficier des 32h collectives est passé sous silence ! Pire, la direction ne respecte pas les accords actuels en permettant (voire encourageant) le passage à 35 heures d’agents ayant été moins de 3 ans à 32 heures.
Chacun connaît les ambitions de la Direction sur le déploiement du FJ ; le nombre de conventions sera l’enjeu déterminant l’échec ou la réussite de cette négociation pour la direction.
De plus, il est évident que les cadres qui ne seront pas au FJ subiront une pression importante lors des EAP, voire au quotidien : il y aura 2 types de cadres qui risquent de ne pas être traités sur un pied d’égalité.

Ce serait la mise en place d’un double statut, donc de l’individualisation du contrat de travail : inacceptable !

Dans un moment où EDF annonce la suppression de plus de 4000 emplois qui peut croire que les dispositions actuelles seront garanties pour chaque salarié ?
Avec il faut le craindre une adaptation de la charge de travail via notamment les nouveaux entretiens (EAP) et les objectifs. A la clé, à n’en pas douter une charge de travail nettement accrue et des tensions entre collègues d’une même équipe.

 Réversibilité nous dit la direction : mais sous conditions …
Les 2 NR sont donnés à condition d’un engagement à durée indéterminée et si vous n’acceptez pas l’engagement à durée indéterminée : PAS DE NR ! (dans le précédent accord, le retour en arrière était possible au bout de 4ans)

 Durée max du temps de travail journalier : rien de changé ! 11h voire 13h par jour
En 2015, un flou persistait sur la durée max de travail autorisé, avec des contradictions dans le texte. En 2016 c’est toujours l’amplitude des 11h (non précisée en termes d’horaires). Cette durée « est un maximum et ne doit en aucun cas être considérée comme une durée normale de travail ».
Mais les périodes de sujétions de service restent soumis à la législation en vigueur relative au repos quotidien de 11h (donc 13h de travail par jour possible) et repos hebdomadaire de 35h, même chose en cas de situations de crise ou de travaux urgents définis par les textes d’entreprise.

De plus, la direction n’indique aucunement par quel moyen elle entend contraindre au respect de cette durée journalière. Elle renvoie la responsabilité de leur temps de travail aux cadres. Aucun dispositif de mesure du temps de travail n’est prévu.

Jusqu’à 214 jours à l’initiative du salarié, au-delà et dans la limite de 225 jours avec accord de la hiérarchie. Majoration à 35%

Les heures supplémentaires réalisées, notamment par les agents en astreinte sont aujourd’hui rémunérées 50% de plus.

Forfaits réduits : Les rémunérations inhérentes à ces forfaits seront proratisées en considérant qu’un temps plein est basé sur 209 jours. Faites vos calculs !

Le FJ à 179 jours correspond a priori à un travail sur 4 jours.

« Dans le cadre des forfaits 167, 179 et 196 jours, une attention particulière est portée à l’adaptation de la charge de travail au niveau du forfait ». Le REX de l’accord de 99 montre que le contrôle de la charge de travail à 32h ou 35h n’a jamais été effectué ! Alors avec le Forfait-Jours …

Autonomie ! Vraiment ?

En 2016 les cadres « autonomes » (voir plus bas) pourraient choisir le FJ. Dans ce cas ils acceptent un AVENANT à leur contrat de travail (convention individuelle).

L’article L3121-43 du code du travail : « les cadres qui disposent d’une autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l’horaire collectif applicable au sein de l’atelier, du service ou de l’équipe auxquels ils sont intégrés ».

En 2016, et sur demande de la CGT, la référence au code du travail est explicite. Néanmoins, cette définition a déjà fait l’objet d’interprétations au cours des discussions. Pour la direction, tous les cadres (sauf ceux qui travaillent en service continu au maximum 18 semaines par an) sont réputés autonomes. De plus, la direction a une notion de l’autonomie différente de la nôtre, qu’elle adapte en fonction des salariés qu’elle veut toucher. (voir plus bas dans prime variable)

La Direction justifie la part variable en expliquant qu’une part de l’autonomie est liée au nombre de déplacements des cadres dans l’année et à leur capacité à travailler collectivement et à être inséré dans l’équipe.

En résumé : elle attache la notion d’autonomie à la personne et non à l’emploi et aux activités qui y sont liées.

 Prime d’autonomie :
En remplacement des jours de disponibilité, la direction propose une prime d’autonomie avec une part fixe de 4%et une part variable pouvant aller jusqu’à 2,5%. Le taux global de cette prime a baissé (de 7,5% à 6,5%). C’est le ratio de la part fixe qui augmente.
Attention : cette prime sera prise en compte dans calcul de la retraite supplémentaire seulement, et donc pas dans le régime « normal » : donc pas dans la pension !

 Prime d’engagement et mesures transitoires :
On est passé de 2NR ou 10000 euros à 3,5% du salaire brut annuel calculé sur 12 mois et payée mensuellement.
Avec une mesure transitoire : 2 NR si FJ engagé à durée déterminée (choix à faire dans les 6 mois. Pour les agents en CET, longue maladie, Amadoe, délai de 2 ans supplémentaires accordé)

 Au final, une rétribution des cadres autonomes supplémentaire variant de 7,5% à 11,5% et dans les faits un recul salarial !
Cela ne constitue aucunement de la rémunération supplémentaire car cette rémunération variable et non soumise à cotisations vise à compenser le temps de travail supplémentaire. De plus les jours de dispo issus de l’accord de 1999 ne sont plus attribués aux cadres FJ. Le calcul est donc rapide pour constater un recul salarial.

Décompte de ½ journées si le salarié le souhaite : bizarre car cela est clairement contraire au principe même du forfait JOURS.
Le fait qu’un salarié demande l’autorisation pour décompter des ½ journées montre d’une part la pression à laquelle il est soumis (peur de partir par exemple à 14h30 s’il le souhaite comme le prévoit le FJ), et d’autre part le peu de confiance de la Direction dans la volonté de travailler de son encadrement.

Pour conclure

Pour la CGT, ce « nouveau » projet d’accord n’a rien de très différent du précédent.
 Le FORFAIT JOUR est un mode d’organisation du temps de travail individuel qui dégage la direction d’une partie de ses responsabilités. L’individualisation c’est, pour chaque agent, la difficulté de défendre ses droits.
C’est l’atteinte des objectifs qui devient le seul critère de gestion du temps et de l’appréciation des résultats.
Tel qu’il est aujourd’hui au terme de la négociation, il augmente votre temps de présence obligatoire, vous retire du temps libre et ne vous rémunère qu’en trompe l’œil.
 Les évolutions dues principalement à la mise en échec du projet d’avenant de 2015 ne sont pas de nature à modifier l’appréciation négative de la CGT que nombre d’entre vous ont partagé lors de la consultation de septembre. Un volontariat sous contrainte, une réversibilité hypothétique, une rémunération très insuffisante en partie à la tête du client et sous forme exclusive de primes, et le principe du Forfait-Jours qui est toujours inacceptable
La CGT vous invite à faire le calcul de votre rémunération horaire (salaire sur ratio temps de travail en heure) afin que vous chiffriez vous-même la baisse du salaire horaire que le Forfait-Jours induirait, ou rapprochez-vous des délégués CGT de votre unité pour faire ce calcul avec lui.

Les dangers sont toujours là
  • Temps de travail à rallonge non mesuré et mal payé,
  • Conditions de travail dégradées,
  • Vie personnelle perturbée,
  • Collectifs de travail menacés.

Des dangers, encore accrus en ce début 2016, car la direction confirme sa volonté de réduire partout les effectifs sur les trois prochaines années.

En 2015, la CGT avait obtenu 2000 postes pour accompagner les évolutions de l’organisation du travail. Ces créations de postes sont aujourd’hui remplacées par 4200 suppressions.

C’est dans un contexte général de recul des droits sociaux (attaque contre le code du travail, remise en cause des conventions collectives et plus spécifiquement de notre statut) que se place cette négociation sur le forfait Jours à EDF !

LA CGT reste donc sur l’avis majoritaire de rejet du principe du forfait jour.

Cet accord est inacceptable mais……. non irrémédiable: quelques arguments supplémentaires, en vrac :

  • Forfait jours à Erdf : 202 jours
  • Forfait jours à RTE : 196 jours, pour les cadres supérieurs uniquement.
  • Seulement 42% des cadres français au Forfait Jours (données de 2014 à vérifier) ,
  • La CGT, majoritaire chez les cadres à l’IRSN, réussit à faire barrage au projet FJ de la direction en juin 2015. Un forfait jours à 195 jours est instauré pour les cadres supérieurs uniquement et un système de pointeuses est mis en place pour les autres avec paiement d’heures supplémentaires à la clé,
  • Rappelons qu’en 2011, la cour européenne des droits sociaux, sollicitée par la CGT et la CGC sur le dossier Forfaits-jours, a considéré que la loi française, en permettant de travailler 78 heures par semaine et en excluant le paiement des heures supplémentaires, viole les droits à une durée raisonnable de travail et à une rémunération équitable garantis par la Charte sociale européenne ratifiée par la France…….

Ce qui a eu comme effet, non le retrait de la loi sur le forfait-jours, malheureusement, mais la dénonciation par la cour de cassation, suite à des plaintes déposées par les organisations salariées, de 8 conventions collectives de forfait-jours, toujours pour des raisons de dérives constatées sur le temps de travail, mettant en danger la santé des salariés…

Ainsi, aujourd’hui pour la convention Syntec, après l’annulation de leur première convention collective relative au FJ en 2013 (à vérifier), le forfait jour n’est applicable qu’aux cadres dont la rémunération mensuelle brute est au-dessus de 6400 Euros brut et est très encadré en termes de contrôle du temps de travail.

Avec nous, dites non à cet accord.

Faites connaître aux représentants syndicaux que vous avez élus en 2013 votre rejet de cet accord...

Tableaux récapitulatifs
  Comparaison entre l’accord 99 et l’accord proposé FJ du 14/01/2016
Forfait plein = 209 jours Forfait réduit = 196 jours
35 heures actuel Nombre de jours + 7 jours (soit +3,5%) -6 jours (soit -2,9%)
Rémunération annuelle De + 7,5% à 11,5% (dont une bonne part de primes) + 0.8% à +4,5%
Rémunération journalière De +3.8% à +7,7% De +3.8% à +7,7%
Rémunération horaire De -16,9% à -14% De -16,9% à -14%

 

  Comparaison entre l’accord 99 et l’accord proposé FJ du 14/01/2016
Forfait réduit à 179 jours
32 heures actuel (payées 34) Nombre de jours + 6 jours (soit + 3,4%)
Rémunération annuelle De -5.1% à -1.6%
Rémunération journalière De -8,3% à -4.9%
Rémunération horaire De -26.7% à -23.9%

 

Tableau 28 h ?