Enseignements et résultats de l’expertise RPS de la Commission Santé du CSE Central au périmètre d’EDF-SA et de la R&D

Rappel du contexte de l’expertise

Le constat d’une augmentation de l’accidentologie liée aux RPS dans l’entreprise, les réorganisations permanentes de nos collectifs de travail dans toute l’entreprise, et bien sûr la diminution importante des effectifs de l’entreprise au cours des 10 dernières années, ont conduit le Comité Social et Economique Central (CSE C d’EDF SA) à lancer, une grande enquête de repérage des risques psychosociaux au sein de l’entreprise.

Cette démarche inédite, à l’initiative de la CGT, majoritaire dans cette instance, a permis d’interroger les 60 000 agents de l’entreprise par mail, à l’été 2021 sur leur vécu au travail, au travers d’un questionnaire basé sur la méthode Gollac, qui retient six dimensions1 de risque à caractère « psychosocial » : les exigences du travail, la charge émotionnelle, l’autonomie et les marges de manœuvre, les rapports sociaux et les relations de travail, les conflits de valeur et l’insécurité socio-économique.
Voilà la synthèse des principaux résultats de ce vaste diagnostic.

Résultats au périmètre de l’entreprise

Une implication forte des agents dans l’enquête : Au total, 18 814 salariés, sur l’ensemble de la population d’EDF SA, ont répondu au questionnaire, soit un taux de participation de 29,8%, avec une bonne représentativité de l’ensemble des secteurs et familles professionnelles ainsi que sur le plan sociologique (âge, genre, ancienneté).
Quatre familles de risques psychosociaux présentent des résultats qui posent question :

1. L’intensité et la complexité du travail :
• Des interruptions d’activité : 55 % des répondants déclarent devoir abandonner régulièrement une tâche en cours pour passer à une autre tâche non prévue ;
• Des contraintes de rythme : 69% des répondants déclarent travailler à une cadence élevée tout au long de la journée et 75 % affirment maintenir un rythme de travail soutenu ;
• Un niveau d’attention élevé :74 % des répondants déclarent mener une activité nécessitant une attention soutenue ou une vigilance permanente.
• Des horaires de travail qui dépassent le cadre réglementaire : 30% des répondants déclarent travailler plus de 45 h par semaine, toujours ou souvent et 35% consultent leurs mails professionnels en dehors de leurs horaires de travail.

2. Exigences émotionnelles : pour une majorité des répondants, le travail requiert des exigences émotionnelles liées à la nécessité de devoir cacher ses émotions. Ainsi, 65 % d’entre eux déclarent devoir faire « bonne figure » en toutes circonstances. D’autre part, plus de 12% du personnel déclare être confrontés à des situations de souffrance au travail.

3. Rapports sociaux au travail et reconnaissance : Des rapports sociaux qui semblent satisfaisants : 83% déclarent entretenir de bonnes relations avec leurs collègues, 70% recevoir du soutien de la part de leurs collègues et 53% de la part de leur encadrement. Mais une reconnaissance salariale jugée insuffisante :
54% déclarent insatisfaisante la progression dans la grille salariale ;
49% estiment que leur salaire ne constitue pas une juste rétribution au regard des efforts fournis.

4. L’insécurité de l’emploi : 80% des répondants déclarent ne pas travailler avec la peur de perdre leur poste, mais il apparait des difficultés importantes en lien avec les changements : pour 33 %, ils ne sont pas suffisamment expliqués, pas suffisamment accompagnés pour 38% des répondants et non correctement anticipés pour 42%.

Résultats au périmètre de la R&D

Alors que l’activité spécifique de la R&D pourrait laisser imaginer des profils de réponses significativement différents de ceux obtenus à l’échelle de l’entreprise ; ce n’est pas le cas et les résultats R&D sont « malheureusement » proches de la moyenne des résultats du périmètre entreprise.
586 agents de la R&D ont répondu au questionnaire, soit un peu plus de 31% des agents de la R&D, avec les résultats suivants sur les 4 familles de Risques Psycho Sociaux évoqués plus haut :

1. L’intensité et la complexité du travail :
• Des interruptions d’activité : 49 % des répondants déclarent devoir abandonner régulièrement une tâche en cours pour passer à une autre tâche non prévue ;
• Des contraintes de rythme : 66 % des répondants déclarent travailler à une cadence élevée tout au long de la journée et 74 % affirment maintenir un rythme de travail soutenu ;
• Des horaires de travail qui dépassent le cadre réglementaire : 27% des répondants déclarent travailler plus de 45 h par semaine, toujours ou souvent et 41% consultent leurs mails professionnels en dehors de leurs horaires de travail ;
• Des objectifs qui ne sont pas en lien avec les moyens ou responsabilités affectés pour 15% des agents.

2. Exigences émotionnelles : 49 % d’entre eux déclarent devoir faire « bonne figure » en toutes circonstances ; 10% affichent devoir faire face à des situations de souffrance au travail.

3. Rapports sociaux au travail et reconnaissance : des rapports sociaux qui semblent satisfaisants : 86 % déclarent entretenir de bonnes relations avec leurs collègues ; 70% déclarent pouvoir compter sur le soutien de leurs collègues. 20% déclarent recevoir rarement ou jamais un soutien de la part de leur encadrement quand cela serait nécessaire.
Et une reconnaissance salariale jugée insuffisante :
• 48 % déclarent insatisfaisante la progression dans la grille salariale ;
• 43 % estiment que leur salaire ne constitue pas une juste rétribution au regard des efforts fournis.

4. L’insécurité de l’emploi : 77% des répondants déclarent ne pas travailler avec la peur de perdre leur poste, mais il apparait des difficultés importantes en lien avec les changements : pour 35 %, ils ne sont pas suffisamment expliqués, pas suffisamment accompagnés pour 39% des répondants et non correctement anticipés pour 40%.

Cette expertise, dont les résultats ont été présentés en CSEC en Octobre 2021, pointe l’existence de facteurs de risques importants, qui en se combinant, constituent un terrain propice à l’émergence ou l’amplification de ce type de risque dans l’ensemble de l’entreprise et également à la R&D.

 

Pour la CGT, ce diagnostic met en évidence des conditions de travail susceptibles de dégrader la santé des agents.

Ce qui s’annonce avec la mise en place de l’accord TAMA n’apporte aucune réponse sur ces enjeux, bien au contraire ! D’une part, le retour d’expérience de la crise sanitaire montre que les salariés en télétravail ont augmenté leur temps de travail, posant la question de la maitrise du temps de travail et du contrôle de la charge de travail pour les télétravailleurs. D’autre part, la réorganisation des modes de travail et l’évolution des méthodes de management pourraient décupler les problèmes identifiés au travers de cette expertise. Pour la CGT, cette nouvelle déstabilisation du travail voulue par le volet MA de cet accord ne doit pas voir le jour dans ce contexte déjà très dégradé.

Il est urgent de changer la gestion de l’entreprise, en termes de politique de recrutement, de reconnaissance salariale, d’organisation du travail et de type de management afin de revenir à des conditions de travail favorables à la santé physique et mentale des agents et permettant la réalisation d’un travail de qualité répondant aux enjeux de l’entreprise.

Pour la CGT, un plan de travail ambitieux, dans l’entreprise et à la R&D pour la prévention contre les RPS doit être déployé. Cela passe par :

1. La fin de la banalisation des dépassements des horaires de travail légaux à EDF ;
2. Un plan d’embauches statutaires pour que les agents ne soient plus dans des situations insoutenables de surcharge de travail, de dépassement des horaires de travail hebdomadaires réglementaires. Cela est particulièrement vrai à la R&D : des embauches statutaires dans tous les métiers de la R&D sont aujourd’hui indispensables pour faire face à la commandite, aux besoins de préparation du futur, en lien avec les enjeux climatiques et la nécessaire transition énergétique !
3. L’augmentation des salaires : la CGT demande 10% d’augmentation des salaires pour tous et la revalorisation de la grille des salaires pour rattraper le retard d’indexation de nos salaires sur l’inflation ;
4. des possibilités d’évolutions de carrière satisfaisantes pour tous.

Afin d’éviter que se répète à EDF le scénario macabre et odieux de France Telecom, devenu tristement célèbre après un procès en 2019, la CGT a invité les directions, lors du CSE central, à lire le roman de Sandra Lucbert « Personne ne sort les fusils ».

Vous trouverez sur le site du CSEC le détail par CSE de l’analyse du questionnaire ainsi que le rapport global. https://elus.csecedfsa.fr/page-67-0-0.html#tabr257