Budget 2018: cadeaux pour les plus riches

« Gains de pouvoir d’achat » en trompe-l’œil pour les autres

Le budget 2018 confirme les choix annoncés par le tandem Macron-Philippe : respecte des traités européens et attachement idéologique au libéralisme économique.

Conformément au discours libéral, l’obsession de ce budget est de réduire le « poids des prélèvements obligatoires » et les dépenses publiques. Cette démarche est lourde de conséquences, notamment du point de vue social.

Baisse des impôts pour les riches

Les baisses programmées d’impôts profitent surtout aux riches et aux entreprises.

Grâce au remplacement de l’ISF par « l’impôt sur la fortune immobilière » (IFI), les riches vont économiser 3,2 milliards d’impôts.

L’instauration d’un « prélèvement forfaitaire unique » (PFU) sur les revenus du capital conduirait aussi à une baisse de 1,3 mds de l’impôt sur les revenus du capital. Ce sont aussi les plus riches qui profitent le plus de cette impôt au taux unique (« flat tax »).

Selon le gouvernement, ces cadeaux aux plus riches viseraient à promouvoir « l’économie réelle ». Cette supposition est purement idéologique. Rien ne prouve que ces cadeaux se transformeront en investissement. Les faits démontrent le contraire.

Une autre version de ce discours stipule que pour augmenter l’investissement et l’emploi, il faut d’abord augmenter les profits. « Les profits d’aujourd’hui font les investissement de demain et l’emplois d’après-demain », disent les libéraux. Connu comme « théorème de Schmidt », du nom de l’exchancelier allemand, ce discours est désavoué aussi par les faits. En effet, au cours des trois dernières décennies, les choix de politique économique et de gestion des entreprises ont été véhiculés autour de cet argument. Résultat : le taux de marge des entreprises a augmenté, mais l’investissement productif est resté faible et l’emploi n’a pas augmenté. En revanche, la précarité s’est développée, les capacités productives se sont affaiblies et l’économie est devenue financiarisée.

Il faut ajouter que l’argument idéologique du gouvernement selon lequel pour promouvoir l’économie réelle il faut réduire l’impôt sur les riches néglige totalement le rôle et la responsabilité du système bancaire en général et particulièrement celle des banques comme BPIFrance dans le financement de « l’économie réelle ».

Selon M. Le Maire, réduire la « pression fiscale » sur les plus fortunés vise à leur offrir « une fiscalité stable, simple, légère ». Si on met au bout en bout ces propos et les ordonnances contre le droit du travail, on voit très clairement les choix du pouvoir en place : stabilité pour les riches, flexibilité pour les travailleurs.

Les riches: les principaux gagnants des mesures fiscales

Evolution des impôts et prélèvements mds€ Gagnants/Perdants*
CICE -4 Entreprises (-)
Remplacement de l’ISFpar l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) -3,2 Riches (-)
Baisse de la taxe d’habitation -3 Ménages à  revenus faible et moyen (-)
Prélèvement forfaitaire unique (PFU) sur les revenus du capital -1,3 Riches (-)
Impôt sur les sociétés -1,2 Entreprises (-)
Crdéit d’impôt pour l’emploi de personnes à domicile -1 Ménages plutôt aisés (-)
Crédit d’impôt pour la taxe sur les salaires -0,6 Entreprises (-)
Suppression de la 4ème tranche de la taxe sur les salaires (banques) -0,1 Banques (-)
Taxe sur le tabac 0,5 Ménages, surtout ceux à faible revenu (+)
Taxe les carburants (diesel et essencce) 3,7 Ménages, surtout ceux à faible revenu (+)
Différence entre baisse de cotisations sociales et hausse de la CSG 3,7 Ménages, surtout ceux à faible revenu (+)

*Le signe (-) signifie que la catégorie en question est gagnante (paie moins d’impôts). Inversement, le signe (+) indique « perdant » (paie plus d’impôt)

Baisse des impôts sur les entreprises

La baisse des impôts profite aussi aux entreprises. Grâce à la « montée en charge », grâce aussi à la hausse du taux du CICE de 6 à 7 %, les entreprises vont économiser 4 milliards d’euros d’impôt sur les sociétés (IS) en 2018 pour les salaires versés en 2017. Selon le projet de loi de Finances pour 2018, le CICE verra son taux baisser de 7 % à 6 % pour les salaires versés en 2018 et sera supprimé en 2019. Il sera remplacé par un « allègement de cotisations patronales pérenne, ciblé sur les bas salaires ».

S’agissant de l’impôt sur les sociétés (IS), les entreprises vont économiser 1,2 milliards en 2018, du fait de la baisse du taux de cet impôt.

Précisons que le gouvernement prévoit de réduire le taux de l’impôt sur les sociétés à 25 % à la fin du quinquennat pour toutes les entreprises, quelles que soit leur taille ou leurs bénéfices, selon le calendrier suivant.

Baisse programmée du taux d’imposition des entreprises

taux (%)
2017
Taux normal 33
Taux réduit: PME dont les bénéfices sont inférieurs à 75.000€ 28
2018
Taux normal 33
Taux réduit: toutes les entrprises dont les bénéfices sont inférieurs à 500.000€ 28
Toutes les entrprises (2019) 31
Toutes les entrprises (2020) 28
Toutes les entrprises (2021) 26,5
Toutes les entrprises (2022) 25

Dans le même temps, le budget 2018 annonce la suppression de la dernière tranche de la « taxe sur les salaires », mesure qui vise surtout à « attirer » les traders de la City de Londres. Cette taxe concerne les entreprises non soumises à la TVA (au premier rang desquelles, les banques). La mesure annoncée par le Gouvernement consistera à les exonérer de la surtaxe de 20 % qui frappe les rémunérations annuelles supérieures à 152.000 euros. Cette exonération représentera un manque à gagner de 300 millions d’euro dans les caisses de l’Etat.

Nouveaux pas vers un renforcement de la financiarisation de la France

Le Brexit aidant, le Gouvernement souhaite favoriser la « relocalisation ou l’implantation en France d’activités à haute valeur ajoutée et le recrutement de cadres étrangers à fort potentiel par les entreprises françaises » Par « activités à haute valeur ajoutée » il faut surtout entendre la finance.

En effet, le projet de loi de finances pour 2018 contient deux mesures qui visent « à accroître l’attractivité économique de la France et à renforcer le positionnement de la place de Paris comme place financière de référence en Europe » : l’abrogation du taux marginal de taxe sur les salaires ; l’abrogation de l’extension de l’assiette de la taxe sur les transactions financières aux opérations infrajournalières.

Ces mesures fiscales s’ajoutent à d’autres mesures, non fiscales, en faveur de la « place financière de Paris », annoncées par le premier Ministre en juillet dernier pour « renforcer l’attractivité et la compétitivité de la place financière de Paris » : l’exclusion du calcul des indemnités de licenciement des bonus différés de certains salariés ; la création d’une chambre spécialisée à la Cour d’appel de Paris consacrée au traitement du contentieux international des affaires ; le renforcement progressif des capacités d’accueil scolaire pour les élèves étrangers ; création d’un dispositif de bascule progressive vers l’assurance-vieillesse pour les impatriés.

Des gains en trompe l’œil pour les salariés, les privés d’emploi et les retraités

Le gouvernement prétend que ses choix améliorent le pouvoir d’achat des salariés, car ils vont cotiser moins à la Sécurité sociale.

Ce « gain de pouvoir d’achat » est en trompe-l’œil. En effet, il s’agit d’un changement profond de notre modèle social, comme l’a clairement annoncé M. Macron dans son entretien accordé à l’hebdomadaire Le Point [1].

En contrepartie de cette baisse des cotisations sociales (qui représente 1,4 % du salaire), la CSG va augmenter de 1,7 point.

La hausse de la CSG concernera aussi les retraités dont la pension nette mensuelle de 1.289 € pour un retraité de moins de 65 ans et de 1.394 € pour un retraité de plus de 65 ans. D’après le Gouvernement, 60 % des retraités seront concernés par la hausse de la CSG.

La hausse de la CSG devrait reporter 22,6 milliards aux caisses de l’Etat, en année pleine. La baisse des cotisations devrait rapporter aux salariés 18,1 mds en année pleine. La différence de 4,5 mds sera don affectée à la réduction du déficit budgétaire, l’un des objectifs du budget 2018.

Accessoirement, la hausse de la CSG interviendra dès le début de l’année 2018, tandis que la baisse des cotisations se fera en deux temps : 0,5 % en janvier et 0,9 % en octobre. En termes de pouvoir d’achat immédiat, les salariés seront donc perdants.

Les agents publics, qui ne versent pas de cotisations salariales d’assurance chômage et maladie (à l’exception des contractuels), bénéficieront de la suppression de la « contribution exceptionnelle de solidarité » (CES) en contrepartie de la hausse de la CSG. Selon le Gouvernement, « cette suppression de la CES constitue un premier pas au titre de la compensation de la hausse de la CSG pour les agents et les salariés du secteur public ou parapublic. Les modalités complémentaires de cette compensation feront partie des points discutés avec les organisations syndicales dans le cadre du ‘Rendez-vous salarial’ de l’automne. » En clair, les agents de l’Etat, tout comme les salariés du secteur privé, subiront une perte de pouvoir d’achat dans l’immédiat.

Les « indépendants » bénéficieront d’une baisse des cotisations sociales assises sur leurs revenus d’activité qui compensera totalement, pour tous, la hausse de la CSG.

Tranches d’impôt sur le revenu

Tranche d’imposition Revenu imposable pour une part Taux (%)
1 inférieur à 9.807€ 0
2 de 9.807 à 28.086€ 14
3 de 28.086 à 72.617€ 30
4 de 72.617 à 153.783€ 41

Un alourdissement des taxes qui pénalise surtout sur les ménages à revenu modeste En plus de la CSG, les taxes sur les carburants et le tabac vont aussi augmenter.

La hausse de la fiscalité sur le diesel (+7,6 centimes par litre) et sur l’essence (+3,9 centimes par litre) devrait coûter 3,7 milliards aux consommateurs.

La hausse du prix de tabac leur coûtera aussi 0,5 milliard.

Ces taxes supplémentaires vont amputer le pouvoir d’achat, surtout celui des ménages à revenu modeste.

La baisse de la taxe d’habitation : quid de l’équilibre financier des communes ?

Le budget 2018 annonce la suppression, à terme, la taxe d’habitation pour 80 % des ménages. Cette suppression sera étalée sur trois ans, dont 30 % dès l’année 2018. Le gouvernement annonce également que cette baisse de la taxe d’habitation va améliorer le pouvoir d’achat des ménages concernés.

Le coût de cette mesure sera de 3 Md€ en 2018, 6,6 Md€ en 2019 et 10,1 Md€ à partir de 2020.

La baisse et à terme la suppression de la taxe d’habitation pour 80 % des ménages vont amputer les recettes des communes, et cela dans un contexte où le gouvernement fait des « économies » sur les collectivités. Le risque est donc une dégradation des services rendus aux citoyens et/ou une hausse du coût d’accès à certains services.

Des « économies » aux dépens des besoins sociaux

En effet, le budget 2018 affiche 15 milliards d’économies sur les dépenses : 7 milliards pour l’Etat, 3 milliards pour les collectivités et 5 milliards pour la Sécurité sociale.

Faire des économies constitue un objectif de ce gouvernement pour rendre le budget de l’Etat compatible avec les chiffres inscrits dans les traités européens.

Cette obsession des chiffres fait l’impasse sur les souffrances que certaines « économies » provoquent pour les citoyens, à l’instar de la réduction des emplois aidés (1,5 milliard « d’économies ») et celle des aides au logement (1,7 milliard « d’économies »).

Les économies portent aussi sur les effectifs de l’Etat qui vont diminuer de 1 600 en équivalent temps plein. Le ministère de l’Economie sera particulièrement touché : 1 648 emplois en moins, ce qui fera le bonheur des fraudeurs, car il y aura moins de moyens humains et matériels alloués à la lutte contre la fraude ; fraude qui coûte 60 milliards aux caisses de l’Etat.

Parallèlement, le Gouvernement maintient, voire augmente, certaines dépenses ou « dépenses fiscales » (crédit d’impôts, etc.) ; dépenses qui n’ont pas fait preuve d’efficacité. Ainsi en est-il des aides et exonérations sociales et fiscales dont le montant annuel s’élève à quelque 200 milliards d’euros [2]. De nombreuses études attestent de l’inefficacité de ces dispositifs, notamment en termes d’emplois et d’investissement productif.

Des charges d’intérêt de la dette supérieures à certaines dépenses structurantes

Les charges d’intérêt de la dette publique sont estimées à 41,2 milliards en 2018, et cela dans un contexte de faiblesse des taux d’intérêt. Or, la plupart des experts prévoit une hausse des taux d’intérêt dans les prochains mois, ce qui alourdira les charges de la dette.

Pour mesurer le fardeau de cette dette, on peut comparer ses charges avec certaines dépenses structurantes pour l’avenir du pays et pour la «cohésion sociale» :

  • enseignement scolaire : 51,3 mds
  • enseignement supérieur et la recherche : 27,5 mds
  • solidarité, insertion et égalité des chances : 19,2 mds
  • travail et emploi : 15,2 mds.

En guise de conclusion

Le budget 2018 est loin de répondre aux attentes des citoyens. Il est construit sur une logique libérale selon laquelle pour renforcer l’économie réelle, il faut réduire les impôts et taxes sur les riches et sur le capital.

Initiée par Ronald Reagan et connue comme « économie de ruissellement » (Trickle down economics), cette théorie a surtout conduit au développement de la précarité et des inégalités partout où elle a été appliquée[3].

Ce n’est pas en imitant de telles idées qu’on résoudra les problèmes de la France.

Le budget de l’Etat est un instrument fondamental pour lutter contre le chômage, la précarité, la pauvreté et les inégalités. Pour y parvenir, il faut une transformation du système fiscal et une utilisation efficace des fonds publics au service de la justice sociale et de l’efficacité économique.

La Cgt a des propositions concrètes sur ces questions, les met en débat et mobilise les salariés, les privés d’emploi et les retraités autour de ces revendications.

[1] Voir « Des choix franchement en faveur du capital », note du Pôle économique datée du 3 septembre 2017.

[2] Cf. note du Pôle économique « L’argent des contribuables dans les poches des actionnaires : mettre fin au scandale », datée du 25/09/2017.

[3] Cf. « Les lois qui protègent le travail sont aussi bonnes pour l’emploi et l’activité économique », note du ¨pole économique datée du 16/08/2017.

 

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