Conférence de presse FNME CGT – 12 novembre 2018
SOMMAIRE
Le contexte énergétique justifie l'intervention publique
A partir de l'adoption de l'acte unique en 1987, le système électrique a été progressivement bousculé par la mise en œuvre d'un marché européen de l'énergie. Le fonctionnement de ce marché complété par quelques mécanismes de régulation tenait lieu de politique énergétique européenne.
Le processus était censé profiter aux consommateurs. L'idée majeure qui continue à présider à la transformation du secteur de l'électricité est que l'introduction de la concurrence permet de réduire les coûts, de baisser les prix et de mieux répondre aux besoins des usagers.
Les spécificités du système électrique
Avec 30 ans de recul, on peut constater que cette vision est en échec. Le marché de l'électricité (comme celui du gaz), complexe et technique, se révèle bien différent de celui d'autres matières premières, biens intermédiaires, produits ou services classiques. L'électricité est très difficilement stockable. L'équilibre offre demande doit être assuré à chaque instant. La disponibilité de la ressource doit être assurée à tous les usagers.
Cela fait que l'articulation entre la réalité physique de la production et de la distribution d'électricité et sa traduction sous forme de contrats financiers sur les marchés de gros ou de titres sur les marchés de produits dérivés est problématique, rendant délicate sinon impossible l'interprétation des fluctuations enregistrées.
Le consommateur victime
En poursuivant plusieurs objectifs (en principe 5 : sécurité d’approvisionnement, compétitivité, meilleure efficacité énergétique, réduction des émissions carbonées, recherche et innovation), sans s’interroger sur leur cohérence et l’adéquation des leviers mobilisés, on a désarticulé un Le consommateur victime
système performant assurant la disponibilité en courant électrique pour notre économie et notre société ! Les centrales à gaz, non rentables, ont été mises sous cocon, le prix du charbon a justifié le recours aux centrales thermiques, les réseaux se sont retrouvés, à certains moments, surchargés d’électricité éolienne distribuée à prix négatifs. Le marché de gros explosait puis disparaissait. Personne ne se risquait à décrire l’avenir. Le consommateur, lui, a été réellement mené en bateau. Il paie aujourd’hui plus cher un produit moins surement disponible !
L’échec du projet
On est passé des monopoles sectoriels publics, (ou oligopoles) à une multiplication d'acteurs, censée faire baisser les prix pour les consommateurs mis jusque-là en coupe réglée par les grands producteurs !
Le résultat a été à l'opposé, les prix ont augmenté et devraient continuer à progresser. Pour autant ils sont restés durablement, inférieurs au prix moyen de développement de nouvelles capacités.
Les marchés, calés sur des valeurs peu représentatives des véritables problèmes, se montrent incapables de prendre en compte les défis à moyen et long terme qui se posent aux systèmes électriques des pays européens notamment le besoin d'investissement qui est d'autant plus important qu'il faut le majorer des capacités excédentaires ou des systèmes de stockage permettant de faire face à l'intermittence des productions des renouvelables.
Notre avenir énergétique demeure très contraint par la mobilisation des ressources financières qui conditionnent les investissements.
Le besoin d'investissements
Les marchés de l'électricité ne garantissent pas la mise en chantier des capacités du futur. L'extrême volatilité des prix, les signaux biaisés qui sont donnés aux acheteurs et aux investisseurs vont provoquer des déséquilibres à court, moyen et long terme.
L'équilibre entre offre et demande suppose des investissements lourds décidés à temps dans des perspectives de long terme. L'insuffisance des investissements pourrait à court terme provoquer des pannes, à moyen terme justifier des délestages, et à long terme obliger à des coupures systématiques, faute de capacités en base.
Ces ruptures auraient pour conséquence d'entraîner des cycles de prix insupportables pour un bien devenu essentiel comme l'électricité. Le risque est grand dès lors de voir mise en cause la sécurité d'approvisionnement.
Faire face à ces défis suppose des formes spécifiques d'intervention pour garantir les investissements de capacité et pour gérer la structure du mix énergétique.
L'intégration des objectifs environnementaux
Après avoir vécu pendant un siècle et demi sur des ressources abondantes et à prix faible (charbon, pétrole), il faut passer à un nouveau de notre planète. Cela conduit à s'intéresser aux analyses coûts/ avantages des décisions de gestion en incluant les dimensions monétaires et non monétaires. Le plus souvent on ne retient par facilité que les coûts monétaires, ce qui ampute la démarche.
L’outil d’intervention privilégié est l’imposition du CO2 sous forme d’une taxe, associée à un marché des droits à polluer. La valeur «tutélaire» d’une tonne de CO2 pourrait être comprise entre 400 € et 600 € à l’horizon 2040.
Dans leur démarche, ses promoteurs présupposent que la taxe fait internaliser par le pollueur le coût social de ses choix de gestion, notamment de leurs conséquences sur le climat. On peut cependant objecter que cette internalisation peut se trouver mise en échec par un transfert de la charge sur le consommateur, le salarié de l'entreprise, le fournisseur.
La reconfiguration des lieux de pouvoir
La nation demeure le niveau de pouvoir pertinent pour des questions essentielles tels la sécurité d'approvisionnement, le service public, le niveau des prix ; mais aussi pour le choix du bouquet énergétique, la sécurité des installations et bien entendu les politiques fiscales applicables au secteur et aux produits et services.
La construction du marché unique de l'énergie a introduit des règles à l'échelon européen. Règles qui s'imposent aux Etats et qui ont donné naissance à de nouveaux lieux de pouvoir, notamment dans le domaine de la concurrence et de la régulation.
S'ajoutent les collectivités territoriales et leurs émanations (régies, syndicats, SEM…) qui multiplient les initiatives pour influer sur le système énergétique local avec l'objectif de favoriser le développement durable.
Dans un tel contexte la partition d'EDF serait catastrophique. Elle serait vécue comme une amputation annonçant la fin d'une ambition énergétique nationale.
En dépit des contraintes imposées par la déréglementation européenne, le modèle énergétique français fait preuve d’une certaine résilience avec des entreprises en partie intégrées et dont la taille et l’expérience constituent d’indéniables atouts pour mener à bien la transition énergétique. Il faut conforter ces atouts et en faire bénéficier pleinement l’économie française et les consommateurs domestiques et industriels.
Des gestionnaires de réseaux à la maille nationale
C’est notamment le cas des gestionnaires de réseaux. Contrairement à d’autres pays, ceux-ci ont, du fait de leur taille et de leur vision nationale, une capacité d’innovation très supérieure à celle des réseaux de plus petite taille en Europe pour relever les défis du nouveau contexte énergétique. Ils constituent en outre un atout pour les entreprises françaises à l’exportation en leur permettant de valoriser leur savoir-faire dans le monde.
Un parc de production amorti et performant et largement décarboné
Le parc nucléaire et le parc hydroélectrique constituent des atouts pour la transition énergétique. Les effets de paliers permis par la constitution des installations dans le cadre de l’entreprise nationalisée confèrent à la France une avance en matière de décarbonation du mix énergétique. Ils offrent en outre un avantage aux industriels comme aux consommateurs particuliers quant aux prix pratiqués. Cela a d’ailleurs attiré l’attention de Bruxelles qui n’a eu de cesse de pourfendre la position dominante d’EDF comme entrave au développement de la concurrence en France et a imposé le système de vente imposée à prix régulé de l’électricité nucléaire historique du quart de la production d’EDF (ARENH - Accès Régulé à l’Électricité Nucléaire Historique).
La concurrence se développe désormais à l’aval sans que les concurrents d’EDF aient besoin d’investir quoi que ce soit dans la production. Ces fournisseurs privés revendiquent une part encore plus grande de la production nucléaire à prix cassé.
La CGT défend une vision intégrée production- transport-distribution consommation pour une transition énergétique efficace.
En France comme à l’échelle européenne, l’idée dominante consiste à affirmer que le secteur électrique est en surcapacité du fait du développement massif de capacités de production renouvelable à caractère intermittent. L’appel moins fréquent aux capacités de production thermiques et nucléaires pilotables pose de nouvelles questions en termes de choix industriels comme en termes de financements pour préserver la sécurité d’approvisionnement, notamment pour les filières non subventionnées.
Une vision rationnelle de l’évolution du mix énergétique devrait prévaloir associant développement équilibré des filières renouvelables, rénovation des capacités nucléaires historique, maintien de capacités thermiques rénovées suffisantes pour gérer les tensions sur le système et investissement dans le nouveau nucléaire pour préparer l’avenir. La recherche est un levier majeur. Alors que notre pays est à la traine en la matière, lui donner les moyens d’ouvrir les possibles dans tous les domaines est crucial.
Il en découle des besoins d’investissements importants dans les réseaux, confrontés en outre à une incertitude croissante sur les investissements à réaliser faute de connaître assez tôt la localisation et le niveau des capacités de production futures. Aussi la CGT considère que l’intégration production-transport- distribution est une source d’efficacité.
De même, l’arbitrage entre investissement dans les réseaux, dans les différentes filières de production et dans le stockage devient un élément majeur pour dessiner l’avenir énergétique en dehors des intérêts propres des différents acteurs en présence, afin que les critères de choix soient fondés sur l’intérêt général, la sécurité d’approvisionnement et les solutions optimales afin d’atteindre à moindre coût les objectifs climatiques ambitieux de réduction des émissions de CO2.
Préserver le pouvoir d’achat des prix de l’énergie pour les entreprises
Les coups de boutoir de la déréglementation et la dés-optimisation du système qui en résulte, conjugués avec les surcoûts associés au nouveau mix énergétique, constituent des facteurs de hausse des tarifs de l’énergie. Trois facteurs de hausse peuvent être identifiés et agissent dès aujourd’hui sur les factures :
- Les charges supportées au titre du financement des renouvelables (et peut-être un jour le stockage qui sera nécessaire pour pallier à l’intermittence) se répercutent en grande partie sur les prix (via la CSPE) mais aussi sur le budget de l’Etat (et donc sur la feuille d’impôt).
- Les tarifs de réseau augmentent pour faire face à l’adaptation des réseaux au nouveau mix énergétique (raccordement des renouvelables).
- La part «énergie» des tarifs réglementés est impactée par la hausse des prix de gros du fait de l’application de la tarification dite «par empilement» en application de la loi NOME. Ainsi la variabilité des prix est transmise aux consommateurs finaux dans les tarifs réglementés alors même que l’objectif de stabilité des prix doit être étroitement associé à ces tarifs (décision récente du Conseil d’Etat à une contestation de l’existence des tarifs réglementés par l’ANODE).
Refaire de la tarification de l’énergie un instrument de réponse aux besoins et de développement de la filière
Repenser les modes de financement des investissements permettrait enfin de limiter les hausses de tarifs afin de rétablir le lien indispensable entre les tarifs réglementés qui nécessite une stabilité à long terme avec la capacité des producteurs à financer leurs investissements à long terme.
Les activités opérationnelles d’EDF sont rentables
Sur les 5 dernières années, l’EBITDA d’EDF, c’est-à-dire la valeur créée par les activités opérationnelles du Groupe est toujours restée autour d’une fourchette de 13,7 à 16 milliards d’euros.
Si cette valeur a diminué de 2 milliards entre 2013 et 2017, ce n’est nullement, comme certaines analyses orientées ont voulu le faire croire, de la faute des salariés ou d’une mauvaise performance de l’entreprise. Les frais de personnel ainsi que les achats (hors achats d’énergie) sont restés globalement stables sur la période.
La valeur créée par les activités d’EDF dépend essentiellement des prix de marché de gros. Ces prix, passés de 50 €/MWh en 2011 à 30 € courant 2016, ont eu une incidence importante. Rappelons qu’une augmentation de 3 € des prix sur le marché de gros ont un impact immédiat de +1Md d’euros sur l’EBITDA d’EDF.
De la même manière, le dispositif ARENH, qui contraint EDF à céder 25 % de sa production nucléaire à un prix fixé à 42 €/MWh pénalise l’entreprise. Quand les prix de l’électricité dépassent les 42 €, ses recettes sont plafonnées à 42 € car ses concurrents souscrivent à l’ARENH. Quand ces prix sont inférieurs, EDF doit écouler sa production au prix du marché, et non au prix de l’ARENH.
A titre d’exemple, avec un prix de marché de 50 €, si EDF cède 100 TWh à 42 €, le manque à gagner pour EDF est immédiatement de 800 M€. Un concurrent d’EDF assez connu expliquait en 2015 que sa marge brute avait augmenté de 20 % en 2015, simplement en ne souscrivant plus à l’ARENH au moment opportun.
Des cycles d’investissement longs dans un contexte d’incertitudes
Les opérateurs comme EDF, présents sur toute la chaine de l’énergie, portent l’intégralité des risques. Ils portent la responsabilité de construire des outils de production au coût important, avec une durée de vie de 40 ans minimum tout en ayant peu de visibilité sur les prix de l’électricité à de telles échéances.
Il est très souvent question du «mur d’investissement» auquel doit faire face EDF. C’est réalité : EDF doit réaliser dans les années à venir de nombreux investissements mais ceux-ci apporteront un service rendu important et assez évident, c’est-à-dire garantir la sécurité d’approvisionnement en électricité, mais aussi des recettes futures. Chaque décision d’investissement est devenue éminemment difficile à prendre en raison de l’incertitude sur les recettes futures.
La production d’électricité est un des rares secteurs d’activité d’infrastructures stratégiques à ne pas bénéficier de prix garantis, à l’inverse de nombreux autres tels que l’eau, les réseaux électriques et gaziers, les aéroports, les autoroutes, etc. Avec un prix de marché de l’ordre de 30 €/MWh, comme c’était le cas en 2016, aucun moyen de production, fusse-t-il le plus compétitif au monde, toutes technologies confondues, ne peut couvrir ses coûts.
Le «mur d’investissement» n’est que la traduction des grands cycles d’investissement qui sont la vie d’une entreprise aux cycles longs. L’histoire d’EDF a débuté par un premier cycle d’investissement au sortir de la nationalisation de 1946 à la fin des années 60. C’est la reconstruction des réseaux et de moyens de productions au sortir de la guerre. Un nouveau cycle s’est ouvert en 1975 avec l’électronucléaire et s’est achevé à la fin des années 1990.
Sur la période 1955-2003, EDF a investi 250 Mds € (constants 2003) comme le rappelle justement le rapport Roulet (2004). Au coeur des années 70, EDF investissait plus de 9 Mds €2003 par an.
Les ratios économiques courants n’étaient pas un indicateur pertinent face à l’enjeu de la construction d’un parc créant une valeur économique et sociale importante.
Un nouveau cycle d’investissement devait logiquement s’ouvrir, dès les années 2010, pour le renouvellement du parc. Celui-ci a été retardé en raison des atermoiements politiques, de la crise qui a ralenti la demande électrique, mais aussi car la structure d’EDF a été fragilisée.
Ces opérations sont essentiellement aujourd’hui :
- Le grand carénage, opération de renouvellement des gros composants et d’amélioration de la sûreté en vue d’obtenir l’autorisation de l’ASN pour la prolongation du parc représente un coût de l’ordre de 50 Mds d’Euros (sur 10 ans), mais permettra de continuer de produire 400 TWh d’électricité chaque année. Au-delà des difficultés matérielles à construire 56 nouvelles tranches en 10 ans, prolonger l’existant pour 900 M€/tranche est une opération évidemment économiquement pertinente.
- Hinkley Point est un investissement certes élevé de 24 Mds €. La FNME CGT s’était d’ailleurs mobilisée pour que le projet soit décalé de quelques années. Néanmoins, il est contrebalancé par une garantie de revenu (CfD) de 92,50£/MWh pendant 35 ans.
- Le projet Linky, sur initiative des pouvoirs publics et imposé à l’entreprise, représente 5,7 Mds €, mais couvert par une régulation spécifique permettant d’en compenser le coût par les gains de productivité générés d’ici 2030, neutralisant l’impact pour l’entreprise et en s’approchant de la neutralité pour les usagers.
S’ajoutera ensuite le renouvellement du parc nucléaire français avec la construction de nouveaux EPR dont le coût et la maîtrise industrielle seront à sécuriser à partir du retour d’expérience. Mais contrairement aux deux projets précédents, aucune régulation ne lui est associée. Rappelons enfin qu’EDF investit déjà (hors investissements stratégiques) près de 12 Mds €/an.
L’impréparation de l’avenir
La dette est également un sujet de préoccupation souvent relayé. Elle s’élève à 33 Mds €. Le ratio dette nette/Ebitda est inférieur à 2,5. Cet indicateur, choisi arbitrairement par l’entreprise et les analystes, signifie que 2,5 années de valeur générée par les activités d’EDF suffisent à rembourser l’endettement.
Toutefois, cette dette s’est accrue pour des raisons qui tiennent assez peu aux activités opérationnelles d’EDF. En effet, c’est en 2009 que la dette s’est accrue, passant de 24 Mds € à 42 Mds €, notamment sous l’effet du rachat de British Energy (et dans une moindre mesure CENG et SPE). EDF engage donc ce nouveau cycle d’investissement avec une situation de départ plutôt dégradée. Les intérêts de la dette d’EDF représentent un décaissement de l’ordre de 1,2 à 1,5 Mds € par an. Ce coût du capital grève également les marges de manoeuvre d’EDF.
L’impréparation de l’avenir tient aussi au fait que l’Etat a choisi, au moment où les plus gros investissements étaient réalisés de déréguler le marché de l’électricité, d’ouvrir le capital d’EDF, de prélever près de 22 Mds € de dividendes, de réaliser des acquisitions à l’international onéreuses ayant accru la dette et donc son coût de financement.
La fragilisation d’EDF est donc issue d’une série d’opérations hasardeuses, non liées au besoin d’équipement en électricité des Français, mais aux appétits de l’actionnaire et des préteurs, ainsi qu’aux conséquences néfastes de la libéralisation sur les producteurs d’électricité.
La question de la «scission» éventuelle d’EDF est née le 22 mars 2016 d’une audition d’Emmanuel Macron, alors Ministre de l’économie. Il évoquait : «Quant à la régulation du prix du nucléaire, je ne l’exclus pas : c’est une voie intéressante pour le nouveau nucléaire ; c’est d’ailleurs celle qu’empruntent les Britanniques. Mais elle est difficile à envisager pour le parc historique, en raison des dérégulations qui nous ont été imposées. La solution d’une sortie d’EDF de la Bourse n’est pas privilégiée aujourd’hui. Je suis prêt à en examiner le principe, mais j’appelle votre attention sur le fait qu’elle n’aurait de sens que pour la partie «nucléaire France», et pas pour le reste d’EDF : elle impliquerait donc un démantèlement du groupe […] Le statut d’objet coté du nucléaire français n’est pas satisfaisant […] compte tenu des contraintes de production, du parc installé, de la régulation, de la fixation des tarifs par l’État et les liens incestueux entre l’État actionnaire, l’État régulateur et l’entreprise».
La déclaration du Ministre révèle les ambiguïtés d’un scénario de scission. Il y est question pêle-mêle de réguler le prix du nucléaire en France, de retirer EDF de la cotation boursière, ou encore de surmonter les contradictions entre Etat régulateur et Etat actionnaire. Mais l’articulation de ces différents objectifs n’est pas claire, et leur lien avec un projet de scission n’est pas davantage explicité. De fait, si les «fuites» distillées dans la presse ont évoqué divers montages financiers, aucune n’a répondu à la question : à quoi servirait une scission d’EDF ?
Il importe avant tout de rappeler le contexte des déclarations d’Emmanuel Macron, début 2016 : une inquiétude grandissante quant à la situation financière d’EDF, la démission du directeur financier du groupe, qui alerte sur le niveau de la dette, la fébrilité grandissante d’une partie des dirigeants et des administrateurs autour du projet Hinkley Point C ; le tout sur fond de difficultés industrielles et financières d’AREVA et de sauvetage par EDF, sur injonction de l’Etat. Ces inquiétants soubresauts avaient alors motivé l’audition du Ministre de l’économie par les députés.
On espérait donc, dans ce contexte, que le Ministre de l’économie désignerait clairement la cause principale des déséquilibres économiques et financiers de l’entreprise : le marché libéralisé de l’électricité mis en place par les directives européennes depuis 1996 n’est tout simplement pas adapté au secteur électrique et constitue une menace pour l’existence des opérateurs et pour la sécurité d’approvisionnement des consommateurs. Il est urgent de soustraire le parc nucléaire d’EDF aux effets dévastateurs de ces dérèglements. Les problèmes financiers que traverse l’entreprise ne trouveront aucune solution durable sans le retour à une forme de régulation des prix de vente de l’électricité nucléaire.
Si ces constats, depuis longtemps portés par la FNME CGT, font aujourd’hui l’unanimité, force est de constater qu’Emmanuel Macron mentionne l’éventualité d’une régulation des prix avec beaucoup de prudence, et en insistant avant tout sur les obstacles juridiques que soulèverait un tel projet. On notera aussi que les tarifs réglementés de vente pour les entreprises (tarifs «jaunes» et «verts») ont été supprimés sous le ministère d’Emmanuel Macron.
De fait, face à la crise de confiance menaçant la stabilité financière d’EDF, l’Etat s’est strictement borné à recapitaliser l’entreprise et à exiger en contrepartie un plan d’économies, portant notamment sur les effectifs. Emmanuel Macron a ainsi beau jeu de pointer les contradictions entre Etat régulateur et Etat actionnaire. Sous son ministère, l’Etat s’est strictement cantonné dans un rôle classique d’actionnaire, refusant d’assumer sa responsabilité de régulateur. Une énième occasion manquée pour le pouvoir politique.
Les analystes financiers, toujours à l’affût des scénarios pouvant alimenter la spéculation sur le titre EDF, se sont néanmoins emparés de l’idée d’une scission de l’entreprise. Cependant, les ambigüités de l’ancien Ministre de l’économie pouvaient nourrir des interprétations diverses. Les notes d’analystes pourraient ainsi être classées en deux écoles : certaines prônent une scission couplée à une régulation des prix du nucléaire, tandis que d’autres, inspirées par le modèle des groupes allemands (RWE et E.ON) portent l’idée d’une restructuration «sèche», sans régulation des prix du nucléaire.
Le scénario Natixis
Les analystes de Natixis, JP. Morgan ou Oddo BHF reconnaissent la nécessité d’engager un chantier juridique de régulation des prix du nucléaire, ce qui constitue le fondement de leur analyse. Néanmoins, au-delà de ce constat partagé, leurs scénarios diffèrent.
Natixis semble privilégier l’idée d’une régulation étendue à la totalité de la production nucléaire (environ 400 TWh), c’est-à-dire au-delà des 100 TWh d’ARENH actuels. Un prix régulé de vente de 48 €/ MWh (contre 42 €/MWh pour l’actuel ARENH) serait nécessaire pour couvrir les coûts.
En pratique, cette régulation prendrait la forme du «modèle italien». Nous comprenons par là qu’un un acheteur unique acquerrait la production nucléaire à un prix régulé et le revendrait aux fournisseurs.
Cependant, un tel dispositif serait qualifié d’aide d’Etat au regard du droit européen, et soumis à ce titre au contrôle de la commission européenne. Selon les analystes de Natixis, il faudrait donc séparer la production nucléaire en France des autres activités d’EDF. Natixis imagine sur cette base la création d’une entité «France Nucléaire», qui passerait à 100 % dans le giron de l’Etat. La société EDF SA, qui continuerait de porter les autres activités du groupe, resterait, elle, cotée.
Dans cette perspective, il serait nécessaire de séparer les activités de commercialisation et les activités production du parc nucléaire. La direction commerce d’EDF acquerrait donc de l’électricité auprès de «France Nucléaire» aux mêmes conditions que les fournisseurs concurrents. Les tarifs réglementés de vente deviendraient ainsi caducs.
Au plan financier, la régulation des prix confèrerait à France Nucléaire un profil d’emprunteur sûr, avec une forte capacité d’endettement. Natixis propose donc que «France Nucléaire» reprenne une grande partie de la dette actuelle d’EDF SA. Observons que ce transfert nécessite l’accord des détenteurs d’obligations. Dans le scénario le plus favorable, France Nucléaire pourrait reprendre 16 Mds € de dette, ce qui laisserait au nouveau EDF SA avec une dette de 21,6 Mds €.
D’autre part, le nouveau EDF SA n’aurait plus à souffrir de l’exposition du parc nucléaire aux prix des marchés de gros de l’électricité. Ainsi, avec une dette allégée et un profil de risque amélioré, EDF SA recouvrerait une forte capacité d’investissement.
L’amélioration du profil financier d’EDF SA se traduirait par une revalorisation du titre comprise (dans les scénarios les plus probables) entre +65 et +95 %. L’Etat pourrait ainsi céder 8 % du capital de l’entreprise et réaliser un produit de l’ordre de 4 à 5 Mds €.
Ce scénario laisse perplexe à plus d’un titre. D’abord, le modèle régulation proposé («à l’italienne») paraît confus et peu adapté à la problématique du nucléaire français.
D’autre part, l’idée qu’un renforcement de la régulation implique obligatoirement une scission est éminemment contestable. Du reste, d’autres analystes financiers ne partagent pas ce point de vue. Cet enjeu paraît davantage politique (capacité de la France à faire accepter ses choix par la commission et les Etats membres) que juridique (le droit européen n’interdit pas des formes de régulation du secteur électrique).
En outre, le schéma de scission envisagé est pour le moins radical. Il ne s’agit pas d’une simple filialisation d’activités. On comprend que France Nucléaire et le nouvel EDF n’auraient plus aucun lien en capital ; autrement dit, France Nucléaire ne serait ni une filiale ni la société-mère du nouvel EDF.
Ce schéma est en partie dicté par une contrainte que s’imposent les auteurs du scénario : retirer le parc nucléaire de la cote boursière. Les analystes de Natixis épousent ainsi sans réserve la thèse avancée par Emmanuel Macron en 2016, selon laquelle «le statut d’objet coté du nucléaire français n’est pas satisfaisant». Il faut ici comprendre que les investisseurs boursiers ne montreraient plus d’appétence pour le nucléaire, ce qui poserait des problèmes de financement à l’entreprise.
Mais cette thèse est fausse. La désaffection de la bourse pour le nucléaire est en grande partie conjoncturelle, liée à la chute des prix de l’électricité sur les marchés de gros. Du reste, la remontée actuelle de ces prix a déjà entraîné un retour des spéculateurs et une hausse du cours de l’action EDF. Il est également significatif que l’augmentation de capital de mars 2017 ait été souscrite en totalité. La part réservée aux actionnaires minoritaires a même été sur-souscrite. Ce succès a démenti, a posteriori, l’affirmation d’Emmanuel Macron.
D’autre part, il est évident que dans un scénario de régulation des prix tel que celui porté par Natixis, le nucléaire français retrouverait immédiatement les faveurs des investisseurs. Ces derniers montrent en effet une forte appétence pour les activités régulées. Ces activités, dès lors qu’elles sont livrées à la finance, offrent en effet des opportunités de placement peu risqués et rémunérateurs. Le raisonnement de Natixis est ici aberrant : on ne peut pas à la fois porter un scénario de régulation du nucléaire et affirmer que bourse et nucléaire sont irréconciliables.
Il va sans dire que la FNME CGT n’a jamais été partisane de livrer EDF à la spéculation. Mais il serait scandaleux que l’on tronçonne l’entreprise au prétexte (fallacieux) que les spéculateurs sont rebutés le nucléaire.
Enfin, les analystes de Natixis commettent des contresens stratégiques majeurs. De façon générale, toute forme de scission juridique risque d’entraîner des dés-optimisations opérationnelles, car le modèle stratégique d’EDF continue, malgré
les vicissitudes de la libéralisation, de reposer sur l’intégration de ses différentes activités. Plus spécifiquement, le choix de dénouer tous les liens capitalistiques qui unissent le parc nucléaire français à Framatome et aux activités nucléaires en Grande Bretagne constituerait un revirement stratégique incompréhensible. En appelant EDF au secours de Framatome (ex-AREVA NP) en 2016, l’Etat a défendu le choix industriel et commercial d’une filière intégrée, avec une ingénierie (Framatome) adossée à un exploitant (parcs nucléaires français et anglais) et un chef de file unique. Alors même que le chantier de réorganisation de la filière nucléaire est en cours, un revirement de ce type pourrait bien lui porter un ultime coup de poignard.
Les scénarios JP. Morgan et Oddo BHF
Les analystes de JP. Morgan partagent, avec ceux de Natixis, l’idée qu’une «re-régulation» du nucléaire (afin de pallier les défauts actuels de l’ARENH) serait nécessaire.
En revanche, selon eux, la scission ne serait pas une condition nécessaire pour que la régulation soit acceptée par les instances européennes. Les analystes fondent cette opinion sur le fait que le parc nucléaire français deviendra de plus en plus indispensable à l’équilibre du réseau électrique européen, au fur et à mesure que les EnR intermittentes vont poursuivre leur développement. La France tiendrait là un argument de poids pour faire admettre aux autres Etats de l’UE le principe d’une révision de la régulation économique du nucléaire.
De fait, le schéma de re-régulation envisagé par JP. Morgan est nettement moins lourd que le «modèle italien» prôné par Natixis et pourrait être qualifié de réforme de l’ARENH a minima :
- Le volume actuel d’ARENH de 100 TWh serait conservé ; la régulation du prix de vente ne serait donc pas appliquée à l’ensemble de la production nucléaire, contrairement au scénario de Natixis. Il faut souligner que dans cette hypothèse, le parc nucléaire resterait partiellement exposé au risque de prix du marché de gros de l’électricité.
- Le prix de vente régulé du nucléaire serait rehaussé à 50-60 €/MWh (contre 42 €/ MWh pour l’ARENH) et déterminé selon une approche «base d’actifs régulée» analogue à celle appliquée aux réseaux.
- La régulation deviendrait «symétrique». Cela pourrait, par exemple, consister en un système de «contract for difference» analogue à celui de Hinkley Point : EDF vendrait 100 TWh d’électricité d’origine nucléaire sur les marchés de gros, et l’entreprise percevrait ou verserait, pour chaque MWh vendu, un montant correspondant à l’écart, positif ou négatif, entre le prix cible (régulé) et le prix du marché de gros. Ce scénario de régulation a également la faveur d’Oddo BHF.
Nous comprenons par ailleurs que ce dispositif n’impliquerait pas nécessairement la disparition des tarifs réglementés de vente pour les clients particuliers.
Les analystes de JP. Morgan et Oddo BHF estiment néanmoins qu’une scission d’EDF serait créatrice de valeur pour les actionnaires, mais à condition de renforcer la régulation des prix du nucléaire. Ce point de vue est notamment étayé par les considérations suivantes :
- La thèse de la «décote de holding» : la solidarité financière entre les différentes activités du groupe ne permet pas de maximiser la valeur de chacune. Il est possible que les surplus financiers dégagés par certaines activités servent à couvrir les besoins d’activités peu profitables, au lieu d’être dirigés vers des investissements plus lucratifs ou de nourrir les dividendes.
- En outre, selon JP. Morgan, le fait d’isoler le parc nucléaire dans une société distincte contribuerait à faire la transparence sur ses équilibres économiques et financiers. Cela militerait pour une régulation correctement calibrée, permettant au parc nucléaire de couvrir ses coûts réels (ce qui n’est pas le cas de l’ARENH).
- Enfin, si une scission venait à briser la solidarité financière entre le nucléaire et les activités génératrices d'excédents financiers, cela fragiliserait le financement du parc. Il deviendrait alors d'autant plus impératif de changer le modèle économique du nucléaire.
JP. Morgan estime que son scénario de «re-régulation» du nucléaire porterait le cours de l’action EDF à un niveau compris entre 20 et 30 €, soit une hausse de 32 % à 103 % par rapport au cours constaté à la date de rédaction de la note (15,13 € au 28 septembre 2018).
Les scénarios de JP. Morgan et Oddo BHF présentent un double intérêt :
- Ils affirment avec force que le redressement financier d’EDF ne peut être envisagé sans le retour à une forme de régulation économique du nucléaire, afin de pallier la défaillance du marché libéralisé de l’électricité.
- Contrairement à Natixis, ces analystes ne conditionnent pas obligatoirement la régulation du nucléaire à un démantèlement du groupe. Ils considèrent à juste titre que cette question est bien davantage politique que juridique. Le droit européen, en soi, n’est pas incompatible avec l’existence de tarifs et de prix réglementés, de «contracts for difference» à l’anglaise ou autres acheteurs uniques à l’italienne. Il appartient donc aux représentants de l’Etat français de résister à la volonté de la commission de démanteler EDF et de faire entendre aux autres Etats membres qu’il y va de la sécurité d’approvisionnement européenne.
En revanche, ils prônent une scission de l’entreprise répondant à une logique bien connue des spéculateurs : le découpage de l’entreprise créerait de la valeur actionnariale (c’est la thèse de l’annulation de la «décote de holding»).
Mais ce «coup financier» ne constitue pas un projet industriel. Comme nous l’avons indiqué, la performance industrielle d’EDF tient à l’intégration de ses différentes activités. Il est de plus évident qu’un découpage de l’entreprise, même sous forme de filialisations, pourrait préluder à des formes de démantèlement plus radicales. La revalorisation des activités par annulation de la décote de conglomérat ne présente pas d’intérêt particulier pour l’Etat… à moins de procéder à des cessions (ce qu’envisagent Natixis ou UBS). Il manque une étape au scénario de JP. Morgan : la «vente à la découpe».
UBS
Nous mentionnerons pour finir un exemple de scénario entièrement centré sur la création de valeur actionnariale par la scission d’EDF, sans que l’hypothèse d’une régulation du nucléaire soit même évoquée. Le scénario d’UBS s’inspire de l’exemple de la scission de RWE en deux entités, cette opération étant présentée comme un succès. En 2016, le groupe allemand a filialisé ses activités de commercialisation d’énergie, de gestion des réseaux de distribution et d’énergies
renouvelables. Ces métiers sont désormais portés par Innogy. Cette société a été introduite en bourse à hauteur de 23 %, et son deuxième actionnaire est le fonds d’investissement américain Blackrock.
UBS se contente de transposer ce schéma à EDF, en imaginant la création d’une filiale d’EDF («NewCo») qui serait introduite en bourse. Sur le modèle d’Innogy, NewCo regrouperait EDF Renouvelables, Dalkia (et, plus globalement, les services énergétiques), ENEDIS et la Direction Commerce.
20 % du capital de NewCo seraient introduits en bourse, à travers deux opérations :
- Cession de 10 % du capital de NewCo par EDF, cette opération rapportant à EDF près de 4 Mds €.
- Augmentation de capital de NewCo à hauteur de 10 %, réservée aux investisseurs. Cette émission rapporterait près de quatre 4 Mds € à NewCo.
Le groupe pourrait ainsi se désendetter de près de 8 Mds €, la trésorerie acquise étant répartie à parts égales entre EDF et sa nouvelle filiale.
D’autre part, en partie sur principe déjà évoqué de l’annulation de la décote de conglomérat, les titres d’EDF et de NewCo seraient revalorisés. La capitalisation boursière du groupe passerait de 27,7 à 42 Mds € (soit un gain de 14,3 Mds € ou +51,6 %).
Le scénario d’UBS, contrairement à celui de Natixis, prévoit de maximiser le transfert de dette vers NewCo afin de désendetter le parc nucléaire. Cette société étant jugée plus attractive pour les investisseurs, elle est en effet créditée d’une capacité d’endettement importante. Elle se verrait ainsi transférer 33,5 Mds € de dette nette. La société mère EDF ne conserverait de son côté que la dette hybride (10 Mds €). Cela serait supposé redonner des marges financières à EDF.
L’impasse de ce scénario est évidente : ce montage laisse entier le principal problème économique et financier d’EDF, à savoir l’exposition du parc nucléaire français au risque des prix du marché de gros de l’électricité. Un désendettement partiel d’EDF, tel qu’il est envisagé par UBS, n’apportera aucun remède durable aux déséquilibres financiers de l’entreprise tant que ce problème ne sera pas enfin pris à bras-le-corps.
D’autre part, valeur de modèle de l’opération RWE-Innogy est pour le moins discutable. Depuis 2016, la rentabilité d’Innogy n’a pas été à la hauteur des espérances initiales des investisseurs, ce qui a révélé les faiblesses de ce schéma financier et industriel. Le cours de l’action RWE en a subi la sanction.
Nous avons connu le passage de l’Etat tutelle à l’Etat actionnaire. On passerait avec le scénario UBS de l’Etat actionnaire à l’Etat spéculateur, prêt à vendre l’entreprise à la découpe pour réaliser un coup boursier sans horizon industriel, comme le ferait n’importe quel hedge fund.
Pourquoi la scission est une mauvaise idée ?
Scission et nouveau modèle de régulation ne vont pas de pair
La principale difficulté rencontrée par EDF concerne l’exposition aux marchés de gros provient des incertitudes à long terme sur le prix de l’électricité sur le marché. C’est ce qui lui permet -ou pas- de s’engager sur des investissements longs, avec un coût d’entrée important mais une durée de vie supérieure à quarante ans.
Le fait de procéder à l’isolement des activités nucléaires d’EDF ne lui apporte aucune garantie de prix, alors qu’il s’agit pourtant de la première urgence pour l’industrie électrique.
Avec une entité nucléaire isolée, comme dans le scénario UBS, «old EDF» devrait tout de même porter sur son propre bilan le renouvellement du parc nucléaire d’EDF ainsi que sa prolongation. En l’absence de garantie de recettes, cela signifie que l’endettement repartira inévitablement à la hausse. La situation serait au moins identique, sinon meilleure, dans le cadre d’un groupe EDF intégré. La scission n’est donc pas gage d’un meilleur financement des activités d’EDF, ni d’une meilleure structure financière pour les activités de production.
L’intégration des activités d’EDF lui permet d’ailleurs de ne pas être exposée totalement à ce risque par la diversification de ses activités (commercialisation, distribution…). Isoler les activités nucléaires au sein d’une entité distincte lui donne un profil de risque plus élevé.
Enfin, l’hypothèse d’une séparation des activités de commercialisation et de production signifie que la totalité de la production d’EDF serait soumise au prix de gros. Sur 444 TWh produits en 2017, 310 TWh sont commercialisés directement par EDF, dont 145 au tarif règlementé.
Jusqu’à 100 TWh peuvent par ailleurs être cédés via l’ARENH. Ainsi, dans l’hypothèse où l’entité qui produit l’électricité et celle qui la commercialise sont séparées, il est probable que le commercialisateur ne bénéficie plus d’un accès privilégié à la production du parc d’EDF.
La scission accentuerait donc l’exposition d’EDF aux prix de marché, alors que l’urgence est précisément de faire l’inverse.
Le scénario Natixis, pour sa part, régule le prix du nucléaire tout en actant la disparition du tarif réglementé. C’est donc un nouveau coup porté au consommateur.
Quelle que soit la solution finalement retenue, il est certain que la commission européenne souhaitera profiter d’une opération de scission pour rediscuter toute l’ouverture du marché en France, alors que les contentieux antérieurs ont été clos par la mise en place de l’AREHN (Accès Régulé à l’Électricité Nucléaire Historique) et la suppression des tarifs réglementés jaunes et verts. Un exemple
d’actualité le démontre : s’agissant de la mise en concurrence des concessions hydroélectriques, deux Ministres avaient ouvert la brèche (Jean-Louis Borloo en 2010 puis Ségolène Royal en 2015), dans laquelle la commission européenne s’est empressée de s’engouffrer pour exiger l’ouverture immédiate et totale à la concurrence des concessions hydroélectriques.
Ainsi, à défaut de nouveau modèle de régulation, notamment sur les prix, le risque est surtout une accentuation de la dérégulation du marché de l’électricité en France.
Privatisation et Service public ne sont pas compatibles
L’autre motivation, en particulier du scénario UBS, est de démanteler EDF pour en faire un produit plus «bankable». Mettre tous les actifs dont les prix sont garantis (Enedis, EDF EN, Dalkia dans une moindre mesure) dans une entité dite «new EDF» et en céder 20 % à la bourse. Il va sans dire que ce type d’actifs, régulés, attirent les appétits des financiers qui voient une aubaine d’avoir des revenus totalement garantis, un dividende récurent et un coût d’endettement en nette baisse.
Dans le scénario Natixis, si le modèle de scission n’est pas le même, il s’agit bien de vendre également 8 % du capital d’EDF à la bourse. Accroitre l’ouverture du capital d’EDF et «rendre la mariée plus belle» avant une telle opération pour remplir les caisses de l’Etat pourraient être une motivation.
Alors, pourquoi une scission : s’agit-t-il de renforcer le service public ou de maximiser la valeur financière d’EDF ?
Ces scénarios ne répondent pas aux enjeux industriels
L’ensemble de ces scénarios ne répondent pas aux besoins du service public de l’électricité. Ils ne sont d’ailleurs pas aboutis loin de là. Les modalités de transfert du parc nucléaire dans le scénario Natixis n’est pas décrit. Côté UBS, rien n’indique comment le parc se finance ou se refinance dans les décennies à venir, alors même qu’il intervient dans un marché davantage dérégulé.
La question du développement concret de l’entreprise est toujours posée dans ces scénarios. L’avenir de l’ingénierie, les activités internationales et en particulier l’entité qui porterait les projets nucléaires neufs à l’étranger ne sont pas traités.
Un démembrement d’EDF aurait également un coût certain (désorganisation, refonte des systèmes d’information, déménagements, reconstitution d’équipes en particulier pour les fonctions mutualisées).
EDF a déjà vécu ce type de désoptimisation lors de la création du RTE, la séparation avec Gaz de France ou la naissance d’Enedis. Le coût total de ces trois opérations successives n’a jamais été chiffré par les pouvoirs publics. En 2013, pour les seuls systèmes informatiques, la CRE a estimé que la duplication de ceux-ci avait couté 84 millions d’euros.
Un autre sujet d’importance, d’ordre organisationnel est également posé : de nombreuses entités d’EDF travaillent simultanément pour toutes les activités : fonctions supports (RH, achats, comptabilité, système d’information), ingénierie, recherche et développement, planification et gestion du périmètre d’équilibre (DOAAT). Des complémentarités techniques existent également entre l’hydraulique et le nucléaire (refroidissement des eaux, renvoi de tension) ou encore le rôle d’ajustement essentiel du thermique à flamme. Démanteler, c’est fragiliser ces coopérations indispensables pour assurer la continuité de l’approvisionnement.
La FNME CGT considère en conséquence que ces projets de scission sont extrêmement dangereux. L’exercice de simulation réalisé par les banques d’affaires montre bien le caractère complexe et inabouti de tels projets. Ils créent davantage de problèmes qu’ils prétendent en résoudre. Le renforcement du service public doit être la seule boussole du gouvernement !
Quelles propositions pour EDF et l’ensemble du secteur de l’énergie ?
Chacun s’accorde à considérer l’énergie comme un bien essentiel et la transformation du secteur pour contribuer à résoudre les enjeux comme centrale. Mais cela suppose de s’appuyer sur les atouts de la France et de l’avantage dont dispose la France en matière d’émissions de CO2 comme de prix pour l’industrie et les ménages. Aussi, quatre questions centrales se posent pour que la France puisse s’appuyer pleinement sur les atouts incontestables dont la France dispose :
- Faire coopérer plutôt que de rechercher l’éclatement des entreprises majeures du secteur qui en assurent la stabilité :
Alors que la volonté du gouvernement figé dans une vision libérale de l’économie est aujourd’hui de démanteler EDF en séparant le nucléaire, les réseaux et les autres activités d’EDF pour pouvoir céder des pans entiers d’activité au privé, la CGT considère que l’avenir d’EDF comme du secteur énergétique repose sur une nouvelle articulation entre toutes les activités permettant la production, le transport et la distribution d’énergie. Les nouvelles caractéristiques de la production, la capacité des consommateurs à intervenir pour réduire les écarts entre production et consommation (effacements, production décentralisée, stockage, etc.) transforment le rôle des réseaux et nécessitent des interactions toujours plus fortes entre gestionnaires de réseaux, producteurs et consommateurs. Cela s’oppose frontalement au projet d’éclatement d’EDF et de découpage en entités distinctes qui poursuivraient des objectifs divergents. - Rendre cohérente la Programmation Pluriannuelle de l’Energie(PPE), la recherche des moyens les plus efficaces pour réduire nos émissions de CO2 et les modes de financement des différentes filières de production et de stockage.
Pour réduire réellement nos émissions de CO2, alors que celles de la France ont augmenté depuis 2016, il est nécessaire que la PPE soit volontaire et réaliste et utilise les bons leviers pour résoudre la difficile équation de la réponse aux besoins et aux défis environnementaux.Investir dans les technologies les plus efficaces pour réduire nos émissions de CO2, tant pour l’électricité que pour le gaz : les technologies disponibles existent pour réduire nos émissions du CO2. Du fait de l’échec patent du marché du carbone institué au plan européen, une valeur du carbone a été instaurée par les pouvoirs publics (valeur dite tutélaire) pour inciter à choisir les énergies les moins carbonées. Dans le même temps, les modes de subvention accordées aux énergies renouvelables ne tiennent aucun compte du coût de la tonne de CO2 évitée et des exonérations sont appliquées au fret routier.Il faut rendre cohérente la PPE, les modes de financement des différentes filières de production et de stockage avec la valeur tutélaire du carbone. En effet, après la bulle solaire il y a quelques années, les tarifs sont désormais dégressifs et des appels d’offres filière par filière ont été institués. Mais la rentabilité des installations reste souvent excessive et le coût de la tonne de CO2 évitée est dans certains cas très élevé. - Mettre sur pied des canaux spécifiques de financement de l’ensemble de la chaine énergétique.
Pour l’ensemble des filières de production comme pour les réseaux de transport et de distribution, l’appel au marché financier (émissions de titres et endettement) coûte cher aux entreprises en les exposant aux fluctuations de taux et à la satisfaction de ratios d’endettement limitant leur capacité d’investissement, alors que l’épargne disponible est importante.Des solutions nouvelles doivent être imaginées à l’image de la KfW allemande qui dispose de centaines de milliards d’euros pour investir dans la transition énergétique. La mise à disposition de fonds à taux d’intérêts réduits, non dépendants des marchés financiers, permettrait de dégager les entreprises des contraintes des marchés financiers. Ainsi soulagées ces entreprises pourraient investir massivement sans que cela ne pèse excessivement sur les tarifs de l’énergie.Il serait ainsi possible de financer les réseaux en réduisant la rémunération des capitaux investis, de lancer des programmes d’investissement à coût réduit dans les infrastructures de transport, la rénovation thermique des bâtiments, les filières renouvelables en gaz et en électricité, la rénovation du parc nucléaire et le nucléaire neuf, les technologies de stockage..
- Refaire de la tarification de l’énergie un instrument de réponse aux besoins et de développement de la filière
Repenser les modes de financement des investissements permettrait enfin de limiter les hausses de tarifs.Il faut aussi mettre en chantier une refonte des méthodologies de fixation des tarifs réglementés. Il est anormal de faire dépendre les tarifs des fluctuations des marchés de gros. C’est particulièrement vrai pour l’électricité dont le Conseil d’Etat a récemment validé la pérennité face aux assauts des concurrents d’EDF.Les consommateurs devraient payer le juste coût pour disposer à moyen et long terme des réseaux et des moyens de production nécessaires à la sécurité d’approvisionnement. Il est profondément antisocial de faire payer aux consommateurs pour les fluctuations erratiques d’un marché biaisé notamment par les subventions accordées à certaines énergies.
La CGT, auditionnée en mai 2018, par la mission d’Escathada/Collet -Billon sur la filière nucléaire française, a réaffirmé la nécessité de conforter les différentes composantes de cette filière industrielle sur le territoire national, tout en portant des exigences incontournables pour préserver son avenir.
Nous sommes aujourd’hui à un point de rupture, et il est plus que temps que l’Etat donne une perspective et une vision stratégique sur le long terme en confortant la filière nucléaire comme un outil industriel majeur. Le parc de production d’électricité actuel, dont l’acceptabilité sociale s’est acquise sur les notions d’indépendance énergétique et de prix compétitif, qui forment toujours ses caractéristiques, est un outil essentiel pour faire face aux enjeux environnementaux grâce à sa production non carbonée.
L’autre élément concernant l’acceptabilité sociale du nucléaire engage l’économie circulaire de la filière : la France a porté l’option de la fermeture du cycle, ce qui suppose le développement de générateur de 4ème génération, utilisant du combustible usé ainsi qu’une industrie du traitement/recyclage de cette matière radioactive. Dans les faits, ce cap serait remis frontalement en cause avec un abandon sous la forme réacteur industriel du projet ASTRID. Cela pose, entre autres, le problème de la gestion du stock de plutonium et de l’héritage qu’on laissera aux générations futures.
De manière indissociable, la CGT porte aussi des propositions de l’amont à l’aval, de la recherche, si stratégique en la matière, au stockage, retraitement, démantèlement, en passant par la construction, l’exploitation, en plaçant ce secteur sous maîtrise publique.
L’énergie nucléaire nécessite une maîtrise technologique de haut niveau avec des compétences construites sur le long terme. Elle implique d’avoir des mécanismes de sûreté et de contrôle élevés, des situations de travail pour tous les acteurs du secteur leur permettant d’exercer leurs missions dans de bonnes conditions et d’exprimer librement leurs opinions en toutes circonstances. Les succès passés dans la construction et l’exploitation du parc nucléaire actuel ont été possibles car réalisés par des collectifs de travail bénéficiant de garanties statutaires de haut niveau et pénétrés des valeurs de service public.
Pour la FNME CGT, son renouvellement doit s’inscrire dans le cadre d’une politique énergétique et industrielle ambitieuse avec une vision stratégique sur le moyen/long terme. En parallèle, il faut engager sans tarder les études et travaux concernant les quatrième visites décennales du palier 1 300 MW et cinquième visites décennales du palier 900 MW à partir de ce que le personnel remonte.
Pour autant, ces impérieuses nécessités ne peuvent pas constituer «l’alibi» au scénario de démantèlement du modèle intégré de l’entreprise EDF qui a démontré depuis plus de 70 ans son efficacité pour répondre aux besoins des populations tout en relevant les défis technologiques qui ont assis sa réputation au-delà de nos frontières.
«L’Etat stratège» serait bien inspiré de ne pas suivre l’exemple de la Belgique, qui doit faire face à une pénurie d’électricité à l’approche de l’hiver par manque de moyens de productions pilotables.
Le besoin d’une filière industrielle du nucléaire en France
Si l’on veut répondre à la difficile équation de la réponse aux besoins des peuples dans le monde et de la limitation drastique des émissions de GES, il est impossible aujourd’hui de faire l’impasse sur une des filières qui participe à cette réponse.
Les pays, comme la France, qui ont acquis une expérience en termes de recherche, ingénierie, construction, exploitation, retraitement, démantèlement ne doivent pas gâcher ces atouts.
Dans le mix énergétique, la production d’électricité devient de plus en plus importante, de par l’impérieuse nécessité de réindustrialiser le pays, les transferts d’usage, l’arrivée massive des nouvelles technologies et la démographie dynamique de notre pays.
Cette filière comporte plus de 220 000 salariés et est potentiellement porteuse de grands projets industriels, pourvoyeurs d’emplois et participant au redressement industriel et donc économique du pays.
Pourtant aujourd’hui nous sommes au bord de la rupture.
Les critères financiers appliqués à l’industrie conduisent, encore plus dans ce domaine du temps long, au mal travail.
Comme le note le CESE dans son rapport «Industrie un moteur de croissance et d’avenir», «les dysfonctionnements de l’entreprise industrielle coûtent de plus en plus cher à l’entreprise et à la collectivité. Le mal-travail a des conséquences néfastes sur les productions. De nombreux produits sont défectueux, la mauvaise qualité se généralise».
Cette remarque générale s’applique aux mises à jour régulières des défauts dans la fabrication de pièces, dans des soudures, l’incident de Paluel ou encore sur la question des dossiers qualité du Creusot.
Les salariés ont beau exiger des moyens pour bien faire leur travail, ce sont les critères financiers qui l’emportent, dans une fuite en avant vers le court terme qui met en péril à terme l’industrie. Car tous les incidents remontés ne sont pas propres à l’industrie nucléaire mais caractérisent le résultat de la prépondérance de la finance appliquée au secteur industriel en général.
Le conflit entre les deux grandes entreprises EDF et Areva, la course à l’export, les aventures industrielles risquées sont des facteurs d’explication de l’état de la filière.
AREVA a développé une stratégie de financiarisation, une politique export avec quelques décisions nationales pour «démonstration» mais sans politique industrielle, avec mission de rentabilisation à outrance.
La banalisation des activités des fonctions support (achat, service commercial…) par leur centralisation et l’éclatement du groupe et l’émiettement des entreprises conduisent à la situation actuelle où il faut reconstruire les compétences, les collectifs de travail.
La part énergie d’ALSTOM a été vendue à Général Electric avec les conséquences que l’on connait sur la maîtrise industrielle et l’indépendance sur la turbine et les brevets.
En 2017, un rapport a été demandé à un groupe d’experts réuni autour du haut-commissaire à l’énergie atomique sur la situation d’Areva Creusot Forge. La conclusion fait des constats accablants sur la politique menée et leurs impacts sur l’outil industriel et les compétences. Il propose un ensemble de recommandations qui permettraient de remettre l’outil industriel sur pied, de regréer et pérenniser les compétences dans une vision industrielle, technique et économique et sur le long terme.
La reconstruction de toute la filière mérite de prendre en compte la question due la forge du Creusot ainsi que l’avenir de la fourniture de la turbine.
Une industrie en reconstruction tournée vers son avenir
EDF détient désormais la majorité dans Framatome, ex-filiale d’AREVA, pour la conception et construction des chaudières, ainsi que pour la fourniture d’assemblages combustibles. Les principaux atouts de cette entreprise tiennent à l’intégration de ses activités industrielles et d’ingénierie sur la maintenance du parc et les chantiers neufs qui a permis de maintenir un niveau de compétence technique élevé malgré les nombreux dégâts causés par les transformations, basées sur la rentabilité financière, qui ont été imposées aux collectifs de travail ces dernières années ; stratégies qui ont conduit à de nombreux problèmes de qualité. Or, c’est la recherche constante de réduction des coûts qui se poursuit actuellement dans l’entreprise avec le BP ECRIN. Sa mise en oeuvre va à l’opposé des recommandations du rapport Bréchet, ce qui ne peut pas améliorer la capacité de Framatome à répondre aux besoins industriels de la filière.
Bien évidemment la question des travailleurs est centrale pour maintenir les compétences, anticiper la pyramide des âges, redonner des conditions de travail compatibles avec l’industrie.
L’émiettement des tâches et des repères conduit à un malaise profond parmi les salariés. Il y a un véritable danger de désagrégation des collectifs de travail si on ne remet pas au-devant de la tâche l’organisation du travail, les collectifs, les compétences, la formation et la qualification.
Quant aux politiques sociales menées par les entreprises du champ professionnel, elles conduisent à la démultiplication du dumping social avec comme conséquence une précarité accrue des travailleurs. La CGT revendique un socle social de haut niveau pour les salariés du secteur, des droits individuels transférables et opposables au travers d’un statut de l’énergéticien notamment.
Un plan de développement énergétique permettrait aux entreprises d’avoir une visibilité à moyen et long terme de leurs activités et de faire les investissements en conséquence et de développer les embauches et l’emploi qualifié. Une garantie de l’emploi doit être donnée aux salariés au travers de la sécurité sociale professionnelle. La démocratisation du secteur est indispensable.
Le secteur énergétique, sa propriété, sa maîtrise sont des éléments clés de l’avenir industriel et social de notre pays. Cela nécessite qu’une réelle politique industrielle et sociale soit mise en œuvre. Cela passe par la création du pôle public de l’énergie et de sa maîtrise publique par la voie législative et par l’action au niveau européen pour créer un projet de convergence énergétique et d’une autorité de sûreté du nucléaire indépendante.
Etat stratège vers Etat actionnaire
Les contraintes imposées par l’Etat agissant tel un vulgaire actionnaire se sont traduites par un redressement (accompagné d’une variabilité qui l’aggrave) des possibilités financières de l’entreprise et in fine à une réduction de l’attention accordée à la qualité opérationnelle du parc (donc à sa sûreté comme à productivité/ disponibilité).
Dégager dans la durée ces marges financières a conduit les exploitants à redresser la situation en engageant les investissements imposés au lieu de les anticiper concentrant ainsi les travaux de prolongation de la durée de vie du parc.
De même, le nucléaire, plus que pour d’autre filière, nécessite des temps d’apprentissages conséquents, après avoir été formé sur un métier, il faut en en appréhender un nouveau ( fonctionnement installation, environnement de travail, processus qualité…) et l’Etat n’a pas décidé d’assumer ce rôle d’anticipation et de cohérence dans les plans de recrutement successif.
L’effet balancier sur les recrutements préjudiciable au transfert des compétences
Dans un passé récent (milieu des années 2000), le précédent plan de performance
(Phare et Balise à la DPI) a été décrié par les dirigeants successifs d’EDF, pour ses effets dévastateurs sur le maintien des compétences critiques dans le nucléaire.
Par la suite, un programme ambitieux le «programme compétence» a été mis en œuvre et a nécessité des investissements importants sur le recrutement de «jeunes» salariés et sur leur formation, tant pour les salariés EDF que chez les sous-traitants : PFE conséquent implication de la génération des «bâtisseurs», chantier école.
La mise en situation professionnelle n’a pas été un long fleuve tranquille, mais le point d’équilibre entre les départs massifs en inactivité de la génération des bâtisseurs et l’intégration de nouveaux salariés permet de faire face aux enjeux du renouvellement du parc en exploitation.
Toutefois une situation différente est vécue dans les équipes d’ingénierie, dont les 20 années de moratoire ont marqué une rupture sur la transmission des savoirs faire, par défaut de faire.
Les effets balanciers sur ces compétences qui s’acquièrent sur le moyen terme et en réalisant ces activités, sont extrêmement préjudiciables et ne sont révélés qu’après coup, lors de la mise en situation réelle.
L’évolution du curseur du faire vers le faire faire est aussi décriée par différents constats de l’ASN ou de l’IGSNR, où les activités de surveillance ou de contrôle sont effectuées par des techniciens ou des ingénieurs n’ayant pas été confrontés dans leurs parcours professionnels à la réalisation de ces opérations.
Globalement, pour la CGT, la surveillance et/ou contrôle demeure de nature administrative, la ré-internalisation d’un certain nombre activités permettrait :
- un gain économique pour les différents exploitants en supprimant les interfaces (depuis les processus achat/qualification jusqu’à l’encadrement du chantier) ;
- de conserver a minima les compétences en interne indispensable à toute intervention réactive sur les outils de production, en préservant une certaine indépendance vis-à-vis des fournisseurs. Le gréement des équipes de robinetiers par l’entité ULM en est une bonne illustration.
En ce sens, annoncer que le lancement rapide d’un projet EPR2 en France est indispensable au maintien des compétences nous semble très réducteur au regard des enjeux du parc en exploitation.
Les préalables pour réussir un programme palier EPR2
A de nombreuses reprises, les organisations de la CGT ont attiré l’attention, tant de la hiérarchie d’EDF que des pouvoirs publics, sur le fait que la prise en compte des questions sociales était un facteur important de la réussite d’un chantier comme celui de Flamanville. Force est de constater que nous avons été très peu écoutés et encore moins entendus. Les résultats sont là.
Un REX (exhaustif, transparent et partagé avec les organisations syndicales) de la réalisation de Flamanville 3 doit être engagé sans délai afin de recaler le discours très optimiste de la direction sur le .nucléaire du futur (export-HPC, Sizewell et Inde comme EPR 2 France). Il faudra aussi intégrer les clés qui ont conduit les EPR de Taishan à être couplé au réseau plus tôt.
Pour la FNME CGT, il faut remédier aux causes profondes de cette désorganisation au-delà des aspects propres à l’EPR Fla 3 car ces enjeux conditionnent pour partie l’avenir de la filière française du nucléaire.
Alors que faut-il pour réussir, si besoin, EPR 2 ?
Un contrat social préalable au lancement de tout engagement doit être établi sans tarder avec l’implication des représentants du personnel des différentes entreprises embarquées sur des «grands chantiers». Des garanties collectives de haut niveau pour les salariés du secteur afin d’assurer le contrôle social indispensable à la sureté des installations, avec de nouveaux droits d’interventions sur les choix stratégiques des entreprises depuis la conception des projets jusqu’à leur réalisation (et qui vont se dégrader avec la disparition des CHSCT par exemple).
Cette politique industrielle devra aussi tendre à un point d’équilibre entre les exigences des exploitants ou issues des référentielles sûreté (et/ou leur déclinaison) et le savoir-faire des constructeurs qui ne bénéficient plus d’un contexte aussi favorable qu’à la fin des années 1970 au regard de la dégradation générale de l’industrie française.
La dimension de la cuve de l’EPR en est l’illustration, car imposée dans le processus d’achat et de fabrication sans le moindre dialogue réaliste avec les équipes chargées de la fabrication… il faut donc revenir à un dialogue constructif entre donneurs d’ordre (de tous niveaux) et réalisateurs (de tous niveaux) au moyen de spécifications techniques adaptées.
Des délais et plannings réalistes avec des études stabilisés autour de l’objet EPR 2
Repenser les organisations de travail, collaboratives avec l’optique de réussite de projet industriel en appelant parfois au bon sens, sans se retrancher derrière des clauses prescriptives et contractuelles où les interfaces se multiplient. Cela constituerait aussi des gages d’économie de long terme et d’intégration de grands chantiers dans le tissu local. Ces choix seraient aussi garants de conditions nécessaires à de véritables avancées dans le domaine santé sécurité au travail.
L’option française de la fermeture du cycle doit être réaffirmée
La place du nucléaire dans l’approvisionnement en énergie de la planète dans le futur dépend de plusieurs paramètres : la disponibilité du combustible, une exploitation en sûreté, la compétitivité du kWh mais aussi une gestion responsable des combustibles usés et des déchets (lié à l’acceptabilité du nucléaire). C’est ainsi que le «cycle fermé» où les matières valorisables (U et Pu) sont recyclées a été l’option retenue par l’Etat français avec pour exemple le retraitement recyclage du Pu dans les combustibles Mox (a contrario du cycle ouvert où les combustibles usés sont considérés comme des déchets ultimes, destinés à s’accumuler sous forme de stockage géologique).
Seuls les RNR, dont le cycle est complètement fermé, recyclent plusieurs fois le Pu et surtout assurent l’utilisation complète du potentiel énergétique de l’ensemble de l’uranium naturel.
Le mono-recyclage du Pu dans les REL permet une économie d’U naturel d’environ 12 % (l’utilisation passe de 0,8 à 1 %). Le multi-recyclage dans les RNR permet une utilisation cent fois meilleure.
Ainsi en France, le recours au stock actuel d’U appauvri assurerait une durée de 5000 ans pour un parc de même puissance qu’actuellement grâce aux RNR français, une technologie indispensable à la filière nucléaire.
Astrid or not Astrid
La question du financement des différentes phases du RNR Astrid, confronté ainsi à des difficultés de réalisation, ne masque-t-elle pas d’autres enjeux sur la volonté de se désengager de cette option ?
Le faible investissement des industriels de la filière dans la R&D dans ce domaine s’avère incompatible avec les enjeux écologiques et financiers.
Il serait irresponsable de laisser aux générations Le CEA un modèle menacé futures des tonnes de combustibles usés contenant du plutonium.
Passer les stocks de combustibles usés de réserve de matières réutilisables au statut de déchets aurait des répercutions lourdes sur le bilan comptable d’EDF.
Pour la FNME CGT, le gouvernement doit prendre une décision qui tiendra compte de plusieurs enjeux : gestion à long terme des matières nucléaires et des déchets, pertinence économique et déploiement potentiel de la filière en France et dans le monde, financements potentiels par les partenaires industriels en particulier EDF, Framatome et le Japon.
Si la poursuite du projet Astrid devait être interrompue, on s’orienterait au mieux vers un maintien a minima du potentiel de recherche, accompagnée d’une soi-disant veille technologique, toutes deux sans doute stériles à long terme. On s’en remettrait ainsi à des constructeurs étrangers pour disposer un jour des RNR permettant d’assurer un nucléaire durable.
On accumulerait un tel retard, aggravant la situation générée par la fermeture de Super Phénix, par rapport aux Russes, aux Indiens et aux Chinois, qu’il serait très difficile de le rattraper… et in fine plus rationnel de coopérer avec l’un ou l’autre pour importer les réacteurs dont nous aurions besoin. Autant disposer de RNR en production n’est pas indispensable aujourd’hui, autant il faut dès à présent faire les gestes immédiatement nécessaires pour disposer industriellement de cette filière au moment où il sera indispensable d’y recourir, sans doute dans la deuxième partie de ce siècle.
Amener à son terme le travail du CEA sur l’Avant-Projet Définitif et se passer de la construction d’un prototype comme Astrid, n’aurait aucun sens.
Le CEA un modèle menacé
Le CEA est aujourd’hui un tout cohérent, Commissariat à l’Energie Atomique et aux énergies alternatives, de la recherche fondamentale à la diffusion technologique.
Son épine dorsale historique est constituée par le nucléaire civil et de défense. C’est l’essence même de l’existence du CEA. Dans les faits, ce cap serait remis frontalement en cause avec un abandon du projet ASTRID. Or, tout porte à croire dans les laboratoires concernés que c’est bien ce qui se profile.
La DEN se débat aussi avec la terminaison du Réacteur Jules Horowitz, avec une impasse budgétaire de quelques centaines de millions d’euros. Cela crée un contexte de grandes incertitudes qui pèsent non seulement sur la Direction de l’Energie Nucléaire… mais bien sur tout le CEA.
Sur les énergies renouvelables, au-delà des grands discours dans les salons parisiens, le manque d’ambitions politiques est à l’image du manque d’investissements et de soutien en niveau de subvention dérisoire. Le gouvernement ne pense donc pas que le CEA soit un acteur important de la réussite de la transition énergétique !
Laisser croire aux salariés que l’argent du nucléaire pourrait venir irriguer la recherche pour la transition énergétique est un leurre. C’est méconnaitre aussi les différences entre les modèles de développement et de partenariat des ENR et du Nucléaire.
Faut-il alors en déduire que le projet de l’Administrateur Général est creux, ou tout du moins qu’il n’est pas honnêtement posé sur la table ?
Pour réorganiser, il est nécessaire de créer l’adhésion dans le personnel et qu’une confiance s’installe entre la Direction Générale et les équipes, avec en rôle charnière, la hiérarchie.
L’industrie de l’économie circulaire sur la sellette
Un autre aspect de l’impact d’arrêt de réacteurs moxés aura pour conséquences un impact immédiat sur le plan de charge des usines d’Orano (traitement /recyclage) de la Hague(-Manche) et Mélox (Gard) et l’atelier du Tricastin.
Le traitement-recyclage, qui soutient économiquement l’ensemble du nouveau groupe Orano, génère plus de 6 500 emplois directs. Avec un coût fixe d’exploitation de ces usines, le coût du traitement /recyclage augmenterait de façon exponentielle, la perspective de moxer le pallier 1 300 MW n’étant envisagé techniquement à l’échelle industrielle à l’horizon 2029/2031 (dans la mesure de nos connaissances).
Si un arrêt, progressif ou non, du traitement-recyclage est envisagé, alors des questions importantes doivent être posées quant au devenir des combustibles issus des réacteurs en service.
A ce jour, les piscines de La Hague ont une capacité de 14 000 tonnes et sont occupées à hauteur de 9 000 tonnes. 1 200 tonnes arrivant annuellement à La Hague, les capacités de stockages sont au plus de 5 ans.
Si cette option était retenue, l’Etat doit prendre ses responsabilités et répondre aux questions suivantes : Où seront stockés les combustibles usés ? Dans une piscine d’entreposage dite centralisée ou à effectuer un plan d’économie sur ce procédé industriel dans une période où les prix de marché l’uranium sont bas, avec des incertitudes sur la sécurité d’approvisionnement à plus long terme ?
Par ailleurs, tenter d’exporter la technologie de traitement-recyclage (Chine), si sur notre propre territoire on sort du cycle fermé, serait condamné à de vaines intentions…
Oui, pour la CGT, l’avenir de la filière est indissociable de l’option française de la fermeture du cycle, qui doit être réaffirmée et confortée, en agissant dans la recherche et en cessant le gel sur les investissements industriels désormais indispensables dans les outils de productions.
La déconstruction en structuration
Tout exploitant responsable se doit de créer les conditions techniques et organisationnelles de la déconstruction de ces installations.
La crédibilité de la filière, donc son acceptabilité par nos concitoyens, est donc liée à la démonstration de ce savoir-faire par les industriels.
Des évolutions structurelles ont cours au sein de chacune de ces entreprises (création d’Orano DS, filialisation d’EDF Cyclife), associés parfois à des innovations techniques dans le domaine (économie circulaire des déchets métalliques TFA).
Pour autant, parmi les réacteurs du parc de production (hors recherche), seul le réacteur de Chooz A sera totalement démantelé à une échéance rapprochée de 2022. En effet, le retard conséquent par sous- investissement en matière de R&D et de déploiement industriel commande d’autres moyens.
Dans un premier temps, des coopérations à l’échelle européenne sont à établir entre exploitants et Etats.
Avec l’exemple parc anglais, confronté une problématique similaire de l’UNGG français (Graphite/gaz), du parc allemand sur la gestion FNME CGT, il est indispensable et responsable pour les générations futures de coordonner ces travaux au sein d’une agence européenne de recherche et de développement
industriel du démantèlement.
L’hydroélectricité est la première des énergies renouvelables, pilotables
Elle ne consomme pas de ressources et entre dans le cadre de l’économie circulaire.
En ce qui concerne les concessions hydrauliques de production d’électricité en France il y a trois opérateurs.
La SHEM (Société hydro-électrique du Midi principalement dans les Pyrénées)
En 1902, plusieurs compagnies de chemins de fer optent pour l’électricité afin d’alimenter leurs locomotives en montagne.
La traction vapeur n’est en effet pas adaptée aux fortes pentes des montagnes. Ces compagnies obtiennent de l’Etat la possibilité de construire des barrages dans les Pyrénées et sur la Dordogne lançant ainsi le développement des ouvrages hydroélectriques : 100 % PUBLIC.
Entre 2002 et 2006 Electrabel (groupe SUEZ) conclut un accord de partenariat capitalistique et commercial avec la SNCF puis entre progressivement au capital de la SHEM, jusqu’à la contrôler à 99,8 % via Engie. Puissance installée 783 MW.
La CNR (Compagnie Nationale du Rhône)
Concessionnaire sur la quasi-totalité des aménagements du Rhône. Elle a été créée en 1921 pour aménager le fleuve à des fins de production hydroélectrique, de mise en navigation et d’irrigation. Entre 1948 et 2001, dans le cadre d’un dispositif conventionnel, EDF exploite les centrales hydroélectriques, en commercialise la production et conserve les recettes. La CNR construit les ouvrages du Rhône (19 centrales de 1948 à 1986) et est rémunérée pour ses missions dans le cadre d’un forfait négocié avec EDF.
EDF
Nationalisée le 8 avril 1946, la nationalisation du secteur de l’énergie se fait en France au lendemain de la Libération dans un contexte de reconstruction et alors que l’organisation de ces secteurs stratégiques n’est plus adaptée.
Nomme Ministre dans le gouvernement dirige par Charles de Gaulle, Marcel Paul, résistant déporté, ancien dirigeant de la CGT, est convaincu que la nationalisation est nécessaire. Cela sera alors prouvé par un modèle EDF/ GDF qui fera largement ses preuves quant à l’intérêt d’un service 100 % public.
La loi du 9 août 2004 entérine le changement de statut des deux entreprises publiques qui avaient jusqu’alors le statut d’établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC)- en sociétés anonymes (SA). Le capital est détenu à 84,49 % par l’Etat.
De ces changements découlent la perte du droit de préférence sur les concessions. Puissance installée 21 900 MW dont 2 807 MW en renouvellement d’ici 2022.
L’ensemble de ces entreprises sont soumises à la loi du 16 octobre 1919 relative à l’utilisation de l’énergie hydraulique qui instaure un régime de concession au-delà d’une puissance de 4 500 kW et d’autorisation en deçà.
L’article 1 de la loi du 16 octobre 1919 stipule que «nul ne peut disposer de l’énergie des marées, des lacs et des cours d’eau, quel que soit leur classement, sans une concession ou une autorisation de l’Etat».
Les évolutions du secteur hydraulique en France
Septembre 2008 : Décret n° 2008-1009 (Borloo) approuvant le cahier des charges type des entreprises hydrauliques concédées. Ce décret autorisant la mise en concurrence des concessions hydroélectriques françaises.
A partir de 2009, les concessionnaires en titre ne seront pas systématiquement reconduits lors des renouvellements. L’Etat choisira pour chaque renouvellement de concession la meilleure offre basée sur 3 critères : énergétique, environnemental et économique.
17 août 2015 : La loi sur la transition énergétique et pour la croissance verte est votée et met fin aux tarifs sociaux de l’électricité.
Elle envisage 3 scenarios :
- La prolongation contre investissements (la commission Européenne est contre).
- La création de SEM (Société d’économie mixte avec une part des collectivités de 34 % minimum et donc une part privée pouvant atteindre 66 %).
- La mise en concurrence pure et simple des concessions hydrauliques.
22 octobre 2015 : Mise en demeure à la France de la commission européenne lui enjoignant d’accélérer l’ouverture à la concurrence des concessions hydroélectriques.
Celle-ci fait suite à la non-application des textes européens sur la concurrence et à plusieurs engagements de la France d’ouvrir ses concessions à la concurrence. Borloo, Fillon, Moscovici s’organisent pour faire avaler la pilule du non-respect des 3 % de déficit imposé par l’Europe, en échange de l’ouverture à la concurrence des concessions.
Cette mise en demeure est contestable car elle dénonce la position dominante d’EDF sur les marchés amont et aval basée sur des analyses de 2013. L’opérateur historique perd en moyenne 100 000 clients par mois, selon le dernier bilan de la Commission de Régulation de l’Energie.
Pour le marché amont, création de l’ARENH par la loi Nome en 2010.
Le volume de l’ARENH a été plafonné à 100 TWh (42 € le MWh), soit environ 25 % de la production nucléaire française historique. «Cet accès régulé est consenti à des conditions économiques équivalentes à celles résultant pour EDF de l’utilisation de ses centrales nucléaire historiques afin d’assurer la liberté de choix du fournisseur d’électricité tout en faisant bénéficier l’attractivité du territoire et l’ensemble des consommateurs de la compétitivité du parc électronucléaire français».
L’ouverture à la concurrence n’a rien d’obligatoire, contrairement à ce qui est prétendu.
Les Etats membres (et les autorités nationales, régionales et locales) ont la compétence générale pour «définir fournir, faire exécuter et organiser» les SIG (Services d’Intérêt Général, ainsi que de les financer. «Les SIG sont, dans l’UE, des services marchands et non marchands que les autorités publiques considèrent comme étant d’intérêt général et soumettent à des obligations spécifiques de service public».
Il s’agit d’une notion propre à l’UE. Elle ne se trouve pas dans les traités eux-mêmes, mais a été définie progressivement par la Commission comme une généralisation des SIEG (Services d’Intérêt Economique Général) qui sont mentionnés dans les traités.
Selon la Commission, les SIG désignent les activités de service, commercial ou non, considérées d’intérêt général par les autorités publiques, et soumises pour cette raison à des obligations spécifiques de service public (communication 2007/725 du 20 novembre 2007 de la commission européenne).
La grande majorité des SIG sont des activités économiques au sens des articles 43 et 49 relatifs au marché intérieur, sauf quand ils sont liés à l’exercice de l’autorité publique (article 45 du traité CE).
Ils regroupent en conséquence les activités de service non économique (système de scolarité obligatoire, protection sociale, etc.), les fonctions dites «régaliennes» (sécurité, justice, etc.) et les services d’intérêt économique général (énergie, communications, etc.).
La Commission rappelle que les conditions de l’article 86 (ex-article 90) du traité ne s’appliquent pas aux deux premières catégories (activités de service non économique et fonctions dites «régaliennes»).
Comme les SIG sont mentionnés au protocole 9 annexé au traité de Lisbonne, ils sont entrés dans le droit primaire au moment de son entrée en vigueur.
Enjeux économiques le marché de l’électricité
Depuis plus d’une décennie, le changement des mentalités politiques a conduit à la libéralisation des marchés de l’électricité. L’objectif de cette libéralisation est la création d’un marché interne européen.
A l’intérieur de ce marché, des entreprises de plus en plus variées organisent la production, le négoce, la commercialisation, le transport et la fourniture d’électricité.
Les producteurs d’électricité se font concurrence pour vendre de l’énergie au meilleur prix possible. Les fournisseurs qui livrent l’électricité aux consommateurs finaux achètent l’énergie sur le marché de gros aux producteurs ou aux sociétés de trading.
Le terme de «merit order» -couramment utilisé consiste à faire appel aux différentes unités de production électriques, au fur et à mesure, en fonction de leurs coûts marginaux croissants. Cette présence économique est impactée par la politique énergétique nationale (subventions à une source d’énergie -complément de rémunération, compensation).
La logique d’offre est venue brouiller le «message du marché» aux conséquences contradictoires.
Dans ce contexte, la «vague verte» des années 1990 a ainsi brouillé le message du marché.
Les subsides très élevés accordés aux renouvelables ont encouragé la surproduction de ces énergies dans un contexte où la demande d’électricité est demeurée atone faisant chuter les prix du kWh sur le marché de gros.
Comme il fallait financer le surcoût des EnR, on a augmenté les taxes payées par le consommateur (cf. la Contribution au Service Public de l’Electricité > CSPE).
Le prix TTC payé en aval ne cessait d’augmenter tandis que le prix spot négocié en amont de la chaîne ne cessait de baisser, devenant même parfois négatif. En fixant des prix garantis (trop) rémunérateurs sans contrôler les volumes injectés d’électricité éolienne ou solaire, on a déstabilisé le système.
Aucun marché ne peut déboucher sur une planification judicieuse et de long terme des moyens de production et des réseaux de transport visant cette transition au moindre coût.
Ce que le marché dicte, ce sont les moyens de production à la rentabilité immédiate.
Les choix optimaux entre ces différents moyens ne peuvent être identiques selon les régions, les ressources naturelles... Il faut donc un retour aux «choix publics» impliquant un débat public, où les responsables politiques doivent cesser de s’exprimer par des slogans rudimentaires, si l’on veut élaborer une stratégie gagnante.
A cet effet, il faut redonner à l’Etat une partie importante des prérogatives dans le domaine de la production d’électricité montrant qu’il est possible de répondre :
- Aux besoins de consommation au moindre coût (péréquation des tarifs) ;
- Avec des moyens de productions pilotables et stockables pour absorber les EnR ;
- Et des moyens moins coûteux que ceux nécessaires au contrôle du marché.
Notre projet
L’énergie est une ressource vitale, elle doit être extraite du secteur marchand. Le fonctionnement de ce secteur est incompatible avec les lois du marché et l’énergie doit donc être retirée du secteur marchand.
L’expérience nous a enseigné que la déréglementation et la concurrence ont pour objectif de passer de monopoles publics à des oligopoles privés.
L’instauration d’un marché de l’énergie fort complexe est loin d’avoir prouvré son efficacité. La précarité énergétique augmente en France et en Europe, la sûreté des réseaux et des installations énergétiques se dégrade.
Le statut public de certaines entreprises n’a pas constitué une barrière de protection pour la mise en œuvre de critères de gestion visant la recherche de rentabilité financière. Néanmoins, il permet l’interventionnisme de l’Etat.
Il est nécessaire d’opter pour un nouveau type de nationalisation qui allie la maîtrise publique et la transformation fondamentale des critères de gestion pour toutes les entreprises du secteur.
Nous devons proposer aux salariés, aux usagers et aux élus de s’engager dans les voies de la transformation afin de faire renaître un véritable service public qui réponde aux besoins réels de la population.
Pour ce faire, nous revendiquons que les concessions hydrauliques en renouvellement soient considérées comme des Services d’Intérêt Général. Il faut donc conduire les élus à proposer un projet de loi.
Par ailleurs, le stockage hydroélectrique (avec ou sans pompage) joue un rôle majeur dans l’équilibrage du système en raison de la flexibilité qu’il apporte. C’est d’autant plus utile au système qu’une production intermittente doit y être intégrée. L’hydroélectricité présente également l’avantage de produire de l’électricité sans générer d’émissions de gaz à effet de serre.
Ce que notre projet permettrait
- Partager les bénéfices de la rente hydraulique entre l’Etat et les collectivités territoriales.
- Gérer de façon plus juste le multi-usages de l’eau actuel et futur sans se confronter à un contrat figé.
- Aider à maintenir des prix d’énergie renouvelable faible étant donné que tous les aménagements en renouvellement sont amortis et que seuls subsistent les frais d’exploitation et les investissements futurs (6 200 MW possibles en France métropolitaine et 35 MW à la Réunion). Ce qui consentirait à une diminution de la précarité énergétique.
- Assurer le développement des énergies intermittentes car l’hydroélectricité est la seule production renouvelable pilotable à avoir la réactivité nécessaire pour compenser cette discontinuité de production.
L’urgence climatique doit primer. Les effets du réchauffement climatique, des risques de sècheresses, d’inondations et de crue se sont fait ressentir hier, le sont aujourd’hui et le seront encore davantage demain.
Au-delà de leur rôle majeur dans la production d’électricité, les ouvrages hydrauliques sont déterminants quant à la gestion des ressources en eau. Il faut renforcer les missions de service public des ouvrages hydrauliques au nom de notre stratégie bas carbone et ne pas les transformer en outils de marché déconnectés des réalités.
La politique de sûreté des aménagements hydrauliques recouvre l’ensemble des dispositions prises lors de la conception, l’exploitation ou la maintenance des aménagements hydroélectriques pour assurer la sécurité des personnes, des biens et de l’environnement contre les risques liés à l’eau dus à la présence et à l’exploitation des ouvrages.
Cette démarche se structure autour de trois lignes d’actions complémentaires de maîtrise des risques :
- pour la sécurité des personnes, des biens et de l’environnement vis-à-vis des variations de débit résultant de l’exploitation normale des ouvrages (démarrages, arrêts de turbines, etc.) ;
- pour l’exploitation des ouvrages en période de crues ;
- pour la prévention de rupture d’ouvrages, ou parties d’ouvrages, dont la défaillance pourrait mettre en cause la sécurité des personnes, des biens ou de l’environnement.
La gestion des crues
Elle demande des compétences particulières que seuls détiennent les opérateurs historiques en France. La sûreté hydraulique impose des structures particulières (prévisions météo, osculation des ouvrages...) et une cohérence de gestion par cours d’eau.
La sécurité des barrages est une préoccupation permanente.
La production hydraulique n’a de sens que dans le cadre d’une gestion par vallée optimisée.
La sûreté des réseaux
Certaines centrales hydroélectriques sont catégorisées «S» car ce sont des centrales stratégiques vouées à la sûreté réseau. Elles servent entre autres à réalimenter les centrales nucléaires en cas de black-out.
Par leur capacité de stockage d’énergie, nos aménagements hydroélectriques permettent un bon soutien et sécurité du réseau. En 2017, la production hydraulique représente 10,1 % de l’électricité produite en France mais elle prend de l’importance pour l’énergie de pointe.
La gestion des usages de l’eau
Les ressources en eau doivent être gérées pour répondre simultanément aux besoins de nombreuses activités : hydroélectricité, irrigation, eau domestique et industrielle, navigation, pêche, tourisme, sports d’eau vive, soutien à l’étiage, refroidissement des fleuves.
- Optimisation des enjeux de développement économique local et régional, portés par des projets de développement innovants et nourris par l’expérience des différents candidats.
- Mise en œuvre des modalités de gouvernance des concessions, associant de manière plus complémentaire les acteurs des territoires concernés, dans une dimension multi-usages de l’eau et de développement territorial.
- Arbitrage des priorités (fourniture d’énergie - usage de l’eau).
- Modalités d’indemnisation des choix effectués.
- Maîtrise de l’impact des activités sur l’environnement et contribution à la préservation des milieux aquatiques et de la biodiversité.
L’objectif est de parvenir à une gestion moderne et collaborative des usages de l’eau, bien public par excellence.
Les besoins en énergie primaire et en électricité, dans le monde et également en Europe, donnent une place particulière au charbon en raison des réserves importantes et de sa répartition.
Son utilisation doit obligatoirement s’inscrire dans la réduction nécessaire des émissions de gaz à effets de serre, responsables des risques graves de réchauffement climatique de la planète et dont le charbon est un des principaux responsables.
Cette condition rend nécessaire la mise en oeuvre d’un ensemble de techniques industrielles intégrées et complexes sur toute la chaîne de l’utilisation du charbon depuis la combustion jusqu’au captage, au transport et à la séquestration du gaz carbonique issu de la combustion. Ce gaz est le principal responsable du réchauffement climatique.
Pour être opérationnelle, la mise en oeuvre de ces techniques doit bénéficier de moyens humains et financiers, coordonnés sur le long terme et de grande ampleur, en Europe et en France , sans communes mesures avec les quelques programmes actuels de recherche développement et d’essais industriels -nécessaires au demeurant – mais saupoudrés à travers quelques projets dispersés dans un nombre très restreint de pays d’Europe .
L’ensemble des problématiques techniques, financières et juridiques ne peut être laissé à la logique du marché.
Cette logique a montré sa particulière timidité dans la faiblesse des engagements sur le long terme des groupes industriels et financiers et de leurs actionnaires dans la mise en oeuvre industrielle des réalisations nécessaires pour atteindre les objectifs d’utilisation du charbon propre permettant de réduire les émissions de CO2 dans l’atmosphère pour répondre aux besoins énergétiques de l’Europe.
Le charbon peut avoir un avenir car en 2050, même si des efforts substantiels sont réalisés pour promouvoir le développement des ENR et permettre une filière électronucléaire opérationnelle, les énergies fossiles continueront d’occuper une place prépondérante dans le bilan énergétique mondial sans un stockage d’énergie opérationnel.
Le charbon est l’énergie fossile qui bénéficie :
- d’énormes réserves dans les sous sols des pays de la planète (1 000 milliards de tonnes) pour au moins 163 ans au niveau mondial (selon certaines sources) et réparties sur tous les continents -dont 290 millions de tonnes sur le continent Europe -Russie avec 240 ans de réserve- au rythme d’extraction actuel ;
- d’une mise en œuvre connue et relativement facile notamment dans les pays en voie de développement avec un coût d’extraction exigeant moins d’investissements que les autres énergies fossiles gaz et le pétrole (5 dollars la TEP de charbon contre 22 dollars le TEP pétrole.
On peut on parler de charbon propre (sans résidus ou affluents gazeux polluants dans l’atmosphère) réellement atteignable à condition d’avoir :
- une vison intégrée de l’ensemble des différentes phases depuis l’extraction en passant par la combustion charbon jusqu’au traitement, captage et séquestration des effluents solides, liquides et gazeux (GES avec notamment le CO2).
Il ne peut pas exister d’utilisation propre du charbon si les effluents gazeux post combustion (dont le CO2) ne sont pas captés et séquestrés. - et une vision réaliste des moyens considérables qu’il faut déployer en recherche industrielle pour confirmer, optimiser, fiabiliser rendre opérationnelles sur le plan industriel les différentes techniques utilisées dans chaque phase qui s’enchaînent les unes aux autres dans l’utilisation du charbon.
Ces techniques sont des techniques extrêmement lourdes ; si elles font appel, dans la plupart des cas, à des procédés connus au niveau des recherches fondamentales , elles doivent être expérimentées :
- avec retour d’expérience
- à partir de pilotes industriels complexes, de fortes puissances opérant sur l’ensemble des différentes phases depuis la combustion jusqu’à la séquestration des GES et capables de fonctionner en cohérence de capacités, en série et à la suite des unes des autres, sans interruption : la comparaison est possible avec la mise en orbite d’un satellite qui ne peut s’effectuer que si toutes les séquences des différents étages fonctionnent les unes à la suite des autres.
La capture proprement dite des GES dont le CO2.
La solution envisagée pour empêcher de nouvelles émissions de CO2 consiste donc à capter le gaz carbonique puis à l’enfouir en sous-sol.
Trois grands procédés techniques de capture existent : précombustion- postcombustion et oxycombustion.
dans le procédé de précombustion le carbone est transformé avant la combustion :
- soit par gazéification en CO2 et hydrogène: l’hydrogène étant le seul gaz combustible dans la combustion et le CO2 étant traité à part
- soit par le procédé IGCC à gazéification intégrale (oxygène + charbon) en un
gaz carburant de synthèse (CO –monoxyde de carbone + hydrogène) utilisé dans un cycle combiné gaz associant turbine à gaz et turbine à vapeur ;
dans les 2 cas, la part de CO2 produit (réduite dans le procédé IGCC) est traitée à part dans un procédé chimique réactif qui fixe le CO2.
dans le procédé de postcombustion, la combustion se fait de façon classique ; le CO2 est extrait des fumées issues de la combustion, par système de désorption et de lavage au solvant ;
dans le procédé d’oxycombustion, on brûle le charbon avec de l’oxygène pur, ce qui a pour effet de concentrer le CO2. que l’on traite comme précédemment.
NB : une séparation cryogénique de l’air (Azote / oxygène) est nécessaire dans le procédé IGCC et oxy- combustion d’autres procédés de séparation du CO2 sont connus au niveau des recherches en laboratoire (par membranes- absorption adsorption – etc. |
Le transport et le stockage séquestration du CO2
Le transport du CO2 soit par bateau après liquéfaction ne pose pas de problèmes techniques fondamentaux .
Il est le maillon nécessaire pour acheminer le CO2 émis par la combustion du charbon et des produits pétroliers en des lieux ayant la capacité géologique de pouvoir le stocker et le piéger dans les profondeurs de la terre ou des océans.
Le stockage par séquestration géologique du CO2 et des GES
3 options géologiques existent :
- En aquifère géologique profond : présents partout dans le monde –très grandes capacités de stockage
- Dans les champs de pétrole et gaz épuisés, susceptible de permettre une récupération assistée de pétrole et de gaz
- Dans les veines de charbon profondes, susceptibles de permettre la récupération assistée de méthane
Et une 1 option de conditionnement du CO2 dans l’état supercritique (pression au dessus de 73 bars et température au dessus de 31)
A l’état super critique, le CO2 occupe beaucoup moins de place qu’à l’état gazeux classique et est plus enclin à ne pas s’échapper du réservoir géologique où il est stocké.
Un autre cycle est possible dans l'utilisation du
charbon : les technologies CTL (Coal to Liquid).
C'est la production de carburants de synthèse liquide à partir de la gazéification du charbon ; ces procédés sont connus :
- Procédé "Fisher –Tropsh" avec production de diesel de grande qualité, ce procédé a été utilisé pendant la seconde guerre mondiale et est en exploitation en Afrique du Sud depuis 1955 – en Malaisie par la Shell en 1993.
- Procédé d'hydrogénation (H Coal et TStar).
Le CTL est utilisé comme un carburant liquide et, s'il est plus facilement transportable que le charbon, il présente les mêmes traitements nécessaires que les produits pétroliers pour séparer le CO2, le stocker et le séquestrer.
Quel est le potentiel de séquestration de CO2 et où en est-on en France et dans l’Europe dans cette technique ?
C’est l’option séquestration géologique qui est la plus prometteuse.
Le potentiel de stockage par séquestration serait, d’après le rapport du GIEC 2005, d’au moins 2000 milliards de tonnes de CO2, suffisamment pour stocker les émissions mondiales de CO2 pendant quelques centaines d’années, presque exclusivement dans les aquifères salins (mer du nord pour l’Europe) et les réservoirs épuisés de pétrole et de gaz
Les capacités de stockage ne paraissent pas être suffisamment reconnues sur l’ensemble du territoire national (notamment dans le Sud Ouest qui possède une des plus importantes structures géologiques d’Europe (Landes de Siougos) comme dans les autres pays d’Europe. Les études actuelles rendues publiques du BRGM, pour la France, font état de 27 milliards de tonnes de CO2 "séquestrables" en structures géologiques dont 26 milliards en région parisienne pour des émissions globales de CO2 de 500 millions de tonnes.
Conclusion : Les technologies doivent être aussi bien mobilisées du côté de la demande (bâtiments à énergie positive, nouvelle forme d’urbanisme, voitures moins émettrices de CO2) que du côté de l’offre notamment avec le développement du nucléaire, des ENR et du charbon propre. Le captage et la séquestration du CO2 s’inscrit dans cette dynamique visant à concilier réponse aux besoins des peuples, réduction des inégalités et protection de l’environnement. La CGT demande que des efforts plus soutenus soient réalisés pour faire avancer la recherche dans le domaine du captage et surtout de la séquestration. |