Le report du projet du nucléaire britannique d’HINKLEY Point est la condition de la réussite de ce projet.

Le Gouvernement et la direction d’EDF veulent engager très rapidement ce projet aussi massif qu’engageant, alors que l’équation économique et plus largement la structure financière et bilancielle de l’entreprise publique sont aussi instables que fragiles. Dans ce contexte, un tel projet d’un montant de 24 milliards d’euros fragiliserait encore plus l’entreprise, et c’est d’ailleurs ce qui semble avoir poussé le directeur financier à la démission au début du mois de mars.

Ce projet, tel qu’annoncé et en l’état, fait porter des risques industriels et financiers très importants sur EDF et sur l’ensemble de la filière nucléaire française. C’est pourquoi, parce qu’elles croient en l’avenir du nucléaire et de la filière nucléaire française, les organisations CGT, CFE-CGC et FO demandent le report du lancement du projet, au vu des constats suivants.

  • L’organisation industrielle actuellement prévue avec l’interface anglaise complexifie le processus de travail et la répartition des responsabilités et constitue un facteur de risque. Celle-ci doit être revue pour améliorer les délais de réalisation,
  • Le modèle actuel de l’EPR doit être impérativement simplifié, tout en maintenant le niveau de sûreté actuel, pour en améliorer la constructibilité et la performance tant industrielle qu’économique.
  • Ce modèle de réacteur doit être compatible avec une perspective d’un vrai palier EPR qui permettrait l’équipement en Angleterre et aussi le début du renouvellement du parc français au tournant de la décennie, dans une logique d’industrialisation et de standardisation indispensable à la réussite de tout programme nucléaire. Ceci nécessite des échanges et collaboration en amont entre les autorités de sûreté des deux pays.
  • La remise en ordre de marche de la filière industrielle française, avec notamment AREVA, demande à la fois investissements industriels et humains mais aussi réorganisations, et donc du temps.
  • L’intégration du retour d’expérience de l’intégralité de la construction d’un EPR, à Flamanville 3, et de la phase cruciale que sont les essais de démarrage, ainsi que celui de Taishan en Chine, pour démarrer l’EPR d’Hinkley Point directement sur de bonnes bases, est aussi un élément clé pour la réussite du projet et de bon sens.
  • Les moyens humains et les compétences de la filière nucléaire seront encore pour 3 à 4 ans fortement mobilisés sur l’EPR de Flamanville, et plus largement par le grand carénage du parc nucléaire existant.

La prise en compte de ces éléments objectifs est indispensable à la réussite d’un projet de cette ampleur et ne peut se faire en quelques mois. C’est ce qui conduit nos organisations syndicales, en cohérence avec les avis des salariés de l’entreprise, à demander de ne pas se précipiter et de décaler l’engagement du projet HPC.

Rappelons, comme en a convenu le Ministre de l’Economie, Emmanuel Macron, que tout projet industriel, et plus largement, tout projet d’entreprise ne peut réussir sans l’adhésion du corps social, et encore moins contre lui. C’est la raison pour laquelle nos 3 fédérations syndicales n’ont pas participé à la parodie de dialogue proposée par la direction d’EDF ce matin.

Il faut donc se poser et prendre le temps de repartir sur des bases saines, en s’appuyant enfin sur les salariés. C’est la condition pour inscrire résolument le projet Hinkley Point dans une véritable vision de reconstruction de la troisième filière industrielle française, une filière qui emploie 220 000 salariés en France et qui est stratégique pour notre Nation.